Le combi Volkswagen, madeleine roulante d'Ivan Jablonka
Alors que l’auteur publie ces jours-ci son nouveau livre Goldman, ou il décrypte le mythe de la personnalité préférée des Français, retour sur l’un de ses ouvrages précédents : En camping-car. Comme il l’a fait pour l’auteur – compositeur - interprète, l’historien du contemporain explore dans ce livre de 2018, un autre mythe de l’époque sans pour autant négliger son rapport intime à l’œuvre ou à l’objet qu’il évoque : le combi VW de son enfance.
D’emblée les puristes auront tendance à écarter cet ouvrage en raison de son titre erroné. Ils auraient tort. Certes le livre d’Ivan Jablonka s’appelle En camping-car, alors qu’il évoque les tribulations de l’auteur, durant ses vacances d’enfance, en Combi VW, qui serait plutôt à ranger du côté des fourgons aménagés. D’ailleurs l’écrivain ne l’appelle jamais camping-car et l’on sent la pression de l’éditeur soucieux de rallier le plus grand nombre de lecteurs possibles, même les plus néophytes en la matière.
Une manière de se perdre
En fait, celui que toute la famille appelait « le bus » était un Transporter T3 Joker Westfalia beige que ses parents ont acheté au début des années 80, lorsque l’enfant approchait de ses 10 ans. Dans ce van, avec son toit relevable, l’enfant a traversé l’Europe en famille, du Portugal à la Grèce en passant par l’Espagne. À chaque été sa destination, avec ce qui était plus qu’un combi : une machine à rêve, « une maison de poupée avec moi dedans » et une « manière de se perdre en prenant un autre chemin ».
Le soir, perché dans le lit du toit lorsqu’il était ouvert, le petit Ivan était « le seigneur du manoir ». En roulant, l’auteur se souvient « des vignettes qui s’accumulaient sur le pare-brise » mais aussi des 120 km / h maxi. Pas grave, le bus « n’était pas une voiture lente, mais une maison rapide », dans laquelle, « il fallait retourner les cassettes, toutes les 30 ou 45 minutes ». Pour autant, le livre n’est pas une accumulation de faits, un Je me souviens de Pérec appliqué aux grandes vacances.
Car Ivan Jablonka est un historien du contemporain, un universitaire qui enseigne sa matière à la Sorbonne et qui, dans ses livres, n'explore pas que ses souvenirs, mais aussi les penchants acceptables de notre société, comme les dérives qui ne le sont pas. Les premiers sont abordés dans ce En camping-car et dans Goldman, son ouvrage qui sort en cette rentrée littéraire et les seconds dans Laëtitia ou la fin des Hommes, publié en 2016, dans lequel il décrypte l’atroce assassinat dont est victime une jeune femme. Un livre qui lui vaudra le prix Médicis.
Dans son voyage en Combi, l’histoire, toujours vraie, est moins sordide, quoique. Car Jablonka n’oublie pas que ses grands-parents sont morts à Auschwitz, et il n’hésite pas, et assume, d’établir un parallèle entre le nazisme qui a semé le malheur sur sa famille, la création de Volkswagen par ce régime, et son combi qui a procuré de la joie aux survivants.
Un paradoxe loin d’être évident et un père, orphelin de la Shoah qui, au volant du T3, était devenu un « forcené du bonheur », en obligeant ses enfants à être heureux à bord de la petite maison roulante, au point de piquer des colères à leur encontre lorsque, par malheur, ils ne l’étaient pas. Mais il n’empêche : « le bus a sauvé mon père et nous avec » et leur a permis de découvrir le monde. Devenu grand, Ivan Jablonka ne roule plus en camping-car, mais se contente de louer des Airbnb, comme il l’avoue. Mais le bus lui a inculqué, à vie, le goût de l’ailleurs.
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