La publication d'une enquête sur le comportement des automobilistes interroge
Au lendemain de la disparition tragique d’un cycliste écrasé par une voiture dans les rues de Paris, les assurances MMA révèlent « une étude d’observation sur le comportement en ville des automobilistes ». Le contenu et le timing de la publication interrogent.
Un petit moment d’observation apporte parfois un meilleur éclairage sur le comportement humain qu’un foisonnement de chiffres. C’est en tout cas le parti pris par les assurances MMA.
Pendant une trentaine d’heures, le comportement des automobilistes dans 5 grandes villes françaises a été minutieusement observé. À Paris, Lyon, Rennes, Montpellier et Metz, l'attention s'est focalisée sur 15 carrefours sélectionnés pour la densité de leur trafic et la diversité des leurs usagers. Piétons, vélos, EDPm et autos y cohabitent en un ballet collé serré pas toujours très tendre. Sur près de 9 000 véhicules observés, 5 % (446 conducteurs) ont commis des comportements à risque.
Au total, l’étude d’observation, 68 % des comportements à risque concernent un non-respect du Code de la route et 26 % un arrêt au mauvais endroit (sur une piste cyclable, un sas vélo, un passage piéton…). Dans 43 % des cas, ces incivilités ont entraîné un incident (freinage d’urgence ou collision avec un autre usager).
Dans le trio de tête des infractions observées arrivent dans l’ordre le non-respect du feu rouge (59 %), l’arrêt sur un passage piéton (18 %), et la vitesse excessive (12 %). Viennent ensuite l’arrêt sur un sas vélo (8 %), l’usage du téléphone, d’un distracteur et même manger en conduisant (8 %), l’absence de clignotant pour changer de directions (7 %), la circulation sur des voies de bus (5 %), et enfin le refus de priorité à un piéton engagé sur un passage piéton (4 %). Autant de comportements dangereux, répréhensibles et indéfendables. Pourtant la lecture de l’étude procure une certaine gêne, un malaise diffus.
Manque de perspective
Derrière le jeu des chiffres et des lettres, la MMA met en écriture un regard partiel. L’assureur n’en est ni le premier, ni le seul. À s’en aller raconter la réalité de la chaussée par le seul prisme du non-automobiliste revient à flirter avec la caricature. L’étude d’observation évite les problèmes liés à l’éthique, la représentativité d'un sondage, ou les difficultés présentées par un projet de grande envergure. Se poster 30 heures devant un carrefour de 5 villes, permet-il de tirer une conclusion suffisamment solide quant au comportement général des conducteurs ? Non, bien sûr. Il s'agit d'une photographie, à un moment T. Mais à trop zoomer sur un acteur, le jeu de ceux qui l'entourent devient invisible. Élargir le champ permet une intéressante mise en perspective.
Le vivre ensemble, le partage de la route et de l’espace relève d’une complexité profonde où l’infinitésimal détail est trop souvent écarté. Ici, le trait est si épaissement (auto) centré sur la voiture qu’il en obstrue le comportement des autres usagers. Pas un chiffre, pas un mot sur les attitudes des piétons, des vélos ou des EDPm. Seraient-ils si vertueux qu’en 30 heures d’observation aucun n’ait été pris en faute d’inattention ou d’infraction. Ô bien sûr l'étude traite du comportement des automobilistes. C'en est le cœur de la publication de MMA, le sujet unique, le gros plan sur lequel faire le point. L'étude est en cela irréprochable, qu'elle ne sort pas du cadre.
Le timing en question
Au malaise, suit l’amertume. Est-il judicieux de publier cette étude, stigmatisant les errements des conducteurs au volant, le lendemain d’un tragique accident de la circulation où un homme à vélo est décédé écrasé par une voiture, boulevard Malesherbes à Paris. Face au fracas (tracas) de l’actualité n’aurait-il pas été préférable d'en repousser la diffusion ? Tant la concordance des faits et de l'étude, vient renforcer l'image du dangereux automobiliste irrespectueux des règles de circulation. Au risque que cela ne se reporte sur l'ensemble des conducteurs, y compris les plus vertueux.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération