La France râle, mais elle roule
Bison Futé avait vu juste en annonçant un « dimanche noir » sur les routes. Faut-il en déduire que les Français, toujours prompts à s’élever contre l’essence chère et les prix des péages d’autoroutes, râlent surtout pour la forme ? Pas si simple.
Avec un pic de 934 km de ralentissements cumulés à 17h50, et des difficultés particulièrement importantes sur certains secteurs - on pense notamment aux 4 heures nécessaires pour rallier Lyon depuis Orange, contre 1h40 en temps normal - le trafic aura été particulièrement dense à l’occasion du pont de l’Ascension.
Dans toutes les stations-services, on aura assisté aux scènes habituelles avec la queue aux pompes à carburant, le stationnement anarchique sur les aires et les rayons sandwichs pris d’assaut.
L’auteur de ces lignes a ainsi une pensée pour les propriétaires de voitures électriques qui, jeudi à la mi-journée, devaient attendre que les bornes Ionity de la station de Parcé-sur-Sarthe se libèrent, sans avoir la possibilité de se garer correctement de façon à ne pas gêner la circulation des autres usagers. Voilà qui promet pour cet été.
Au passage, il serait souhaitable qu’en cas de congestion de ce type, les propriétaires de modèles hybrides rechargeables aient la courtoisie de penser à ceux qui ne peuvent compter QUE sur l’électricité pour poursuivre leur route… Passons.
Le fait que les campings, hôtels et restaurants aient été pris d’assauts week-end et se préparent déjà à un été « historique », ne doit toutefois pas occulter la réalité d'une France à deux vitesses, que décrivait notamment hier le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS, dans une interview au Journal du dimanche : « les plus touchés par l’inflation, la hausse du prix des pâtes ou de l’essence sont les milieux les plus populaires, qui ne partent jamais en vacances. Les 60% de Français qui, eux, le font appartiennent aux catégories les plus aisées et vivent majoritairement dans les grandes villes et en Ile-de-France. […] Ils râlent sur les prix, bien sûr. Sans doute modifieront-ils un peu leurs comportement : ils iront moins loin, rouleront moins vite, remplaceront le restaurant par un pique-nique au bord d’un champ…Mais la majorité des Français vit bien et le monde ne s’effondre pas parce que l’inflation dépasse 5%. »
Quoi qu’il en soit, et au-delà de quelques désagréments passagers, il flottait bel et bien un air de grandes vacances sur les routes ce week-end.
Et une fois parvenu à destination, même un peu (beaucoup ?) en retard sur la planning initialement prévu, on pouvait se remémorer la justesse des propos de l’écrivain Sylvain Tesson, selon qui « la France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer.»
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