La F90, une Ferrari conçue sans que Maranello ne le sache !
Prenez une Testarossa, faites-la habiller chez Pininfarina dans le plus grand secret et vous obtenez l’étrange F90, une commande de la famille du sultan de Brunei.

Une Ferrari, pfff, quelle banalité quand on a les poches débordant de pétrodollars. La doter d’une carrosserie spéciale ? C’est déjà mieux, si on cherche l’exclusivité, mais quelqu’un pourrait demander à avoir la même. Alors, l’idéal, c’est de demander au carrossier partenaire de Ferrari, Pininfarina, de développer une voiture dans le secret le plus total. Ainsi, vous aurez le plaisir de rouler dans une supercar dont vous serez pratiquement le seul à connaître l’existence.
C’est ce qui a présidé à la création de la F90, voulue par le Prince Jefri Bolkiah, le frère d'Hassanal Bolkia, qui n'est autre que le Sultan de Brunei, à la fabuleuse collection de voitures. Ce dernier a déjà fait réaliser une douzaine de Testarossa Spider ! Nous sommes en 1988, et via des intermédiaires, Jefri fait parvenir sa demande à Pininfarina.
Laurenzo Ramaciotti, directeur général de la maison italienne, accepte, la somme proposée étant impossible à refuser. Il envoie plusieurs projets à Brunei, et c’est un dessin dû à Enrico Fumia (déjà auteur, notamment, de l’Alfa Romeo 164 à l’époque) qui est retenu.

Très étrange, ce sketch tranche totalement avec le look de la Testarossa, qui servira de base à la future supercar secrète. Fumia raconte avoir dessiné la voiture sur son temps de repos, en s’inspirant des courbes des Ferrari des années 60. Il fait de l’ellipse le thème de son dessin, motif qu’on retrouve sur tous les plans de la carrosserie. Puis adopte un langage esthétique ultramoderne, dont il espère qu’il sera retenu pour les Ferrari de série des années 90, d’où le nom de la supercar la plus secrète du monde : F90.

Peu à peu, le projet prend forme, tant du point de vue de la carrosserie que de la mise au point dynamique, tout étant effectué chez Pininfarina. Pourquoi ? Parce que Ferrari ne doit absolument pas être mis au courant ! Les tests sont menés de nuit, avec des prototypes camouflés. Pour une route de nuit, ça se pose là... La commande comprend six voitures, identiques à la couleur près. Jefri l’honore et prend livraison des spectaculaires F90, qui disparaissent dans le sultanat. Opération fructueuse pour Pininfarina !

Personne n’entendra plus parler de ces voitures, jusqu’en 2002. La photo d'un des exemplaires fuite sur Internet : le secret est éventé ! Mais Ferrari ne réagit pas. Puis, en 2005, un journaliste italien, Roberto Bonetto, demande à Fumia de raconter l’histoire de la F90, pour la faire paraître dans un ouvrage dédié à la marque de Maranello. Le designer prend son courage à deux mains et s’en va révéler toute l’affaire à Ferrari, qui réagit très positivement ! La voiture peut officiellement être baptisée Ferrari et apparaître dans le livre.

Au-delà de ça, c’est une sacrée reconnaissance pour Fumia, dont c’est la seule création à arborer le cheval cabré italien. Plus tard, il signera la brillante Lancia Ypsilon de 1995, reprenant elle aussi le thème de l’ellipse. Quant aux F90, elles existent toujours, mais on ne sait si elles appartiennent encore toutes à la famille du Sultan de Brunei ni dans quel état elles se trouvent.
Photos : Archives Enrico Fumia via Speedhoolics.
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