La beauté des laides - Skoda Roomster : une voiture de sportif, mais pas une voiture de sport
Le Skoda Roomster né en 2006 était décevant alors que le concept qui le préfigurait était réjouissant, comme le sera son frère, le Yéti trois ans plus tard. Mais si la ligne de l'engin paraissait ingrate, son intérieur avait de quoi séduire les sportifs, surtout les basketteurs pour sa garde au toit impressionnante, ainsi que les cyclistes, qui pouvaient y loger trois vélos debout. Découverte en petite foulée de l'Ovni tchèque.
Ceux qui se sont rendus sur le stand Skoda du salon de Genève de cette année-là n’en sont pas revenus. En ce printemps 2003, sur un podium tournicotant, trône un concept signé Thomas Ingenlath, le directeur du style de la marque. Ce n’est pas un monospace, ni un ludospace, ni un SUV, ni quoi que ce soit de connu, mais une étrange apparition, aux lignes simples et très graphiques. On y reconnaît même vaguement quelques traits du Matra Rancho, l’ancêtre de toutes les voitures à vivre. Alors on s’ébahit, on s’enthousiasme et on attend impatiemment la version de série du Skoda Roomster.
C'est qu'en ces années-là, la marque de l'Est ne brille pas par les lignes de sa gamme. On y trouve des Fabia, Octavia et Superb et visiblement, dans la Tchèquie de ce début de siècle, la fantaisie est interdite de séjour. Or voilà qu’au milieu de cette tristesse apparaît ce « Roomster Concept ». Évidemment, on ne nous la fait pas. On sait parfaitement qu’un concept qui passe à la série y laisse toujours des plumes. Il est simplifié au maximum pour pouvoir passer à travers les fourches de la grande production. Mais cette auto-là n’a pas perdu des plumes, elle a perdu son plumage intégral.
Un concept ébouriffant et un modèle de série décevant
L'engin commercialisé a gommé toutes les notions de pureté, il en est devenu torturé et disproportionné. Une auto qui tient plus de la camionnette du marchand de glace que du monospace. Une voiture qui fait rire. Le dessin d'Ingenlath a été purement et simplement confisqué.
Skoda a-t-il voulu absolument sortir de l'image de raideur dont on l’avait affublé ? Toujours est-il qu'à la ligne fluide, au trait courant de l’avant jusqu’à l’arrière a succédé une espèce de bricolage sans but et sans style. La rupture créée par le montant central incurvé et inversé est toujours présente, mais la magie des vitres prolongées jusqu’au coffre est rompue. Comme le charme qui avait opéré trois ans plus tôt.
Alors, on s’est consolé de l’extérieur en s’installant à bord pour ne plus voir la ligne. Et là, on se rend compte de ce que signifie l’espace. De la place, dans ce Roomster, il y en a à revendre. En largeur aux places arrière ? Pas vraiment. Le passager du milieu est même plutôt coincé, à cheval sur le tunnel de transmission. En longueur alors ? Pas vraiment non plus, même si les passagers sont très à l’aise.
En fait, l’espace selon Skoda, du moins pour ce modèle, est tout en hauteur. Le Roomster est la première voiture avec un séjour cathédrale. On peut y voyager en portant un enfant sur ses épaules. C’est strictement interdit, alors on se contentera de grimper à bord avec un haut-de-forme ou une coiffe bigoudène.
La voiture des basketteurs
Mais la clientèle de la vieille aristocratie anglaise, ou de la tradition bretonne, étant rare, on imagine que les spécialistes du marketing Skoda ont ciblé un autre type de conducteur : à défaut de produire une sportive, ils ont voulu séduire les sportifs. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Le Roomster est la voiture conçue pour les basketteurs, forcément grands. Elle est capable d’embarquer une dream team de la NBA composée de ses cinq joueurs au complet. Mais c’est aussi l'auto des cyclistes qui peuvent embarquer trois vélos dans son coffre aussi haut que large sans même avoir à les coucher.
Est-ce que cette clientèle en jogging souhaitait un engin au look un peu plus sobre que ce Roomster que Skoda leur avait dédié ? Ou est-ce que le designer Thomas Ingenlath a fait la grève de la faim pour avoir gain de cause après le massacre de son concept ? Toujours est-il qu'au bout de trois ans d'une carrière (et de ventes) pépères, le Roomster se voit concurrencer dans sa propre marque par le Yéti, qui ressemble plutôt au prototype original.
Il déboule en 2009 et s'affirme d'emblée plus haut de gamme, plus équipé, mieux motorisé et disponible en version 4x4. Sa carrière durera deux ans de plus que celle de ce pauvre Roomster, et démontre que, chez Skoda à cette époque-là, le design épuré est réservé aux plus aisés. De son côté, le designer du fameux "Roomster concept" s'en est allé vers d'autres destinées. Il est aujourd'hui directeur général de la marque Polestar. L'émanation de Volvo dédiée à la voiture électrique produit des autos au design parmi les plus réussis, et les plus épurés, de la décennie. Comme quoi, si nul n'est prophète en Tchèquie, il peut le devenir en Suède.
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