La beauté des laides - Kia Opirus : la Coréenne qui voulait se la jouer germanico-américaine
En 2003, pour prouver au monde entier qu'il était capable d'assembler une grande berline comme les marques allemandes et américaines, Kia s'en est allé copier leur style respectif. Mais les acheteurs ne s'y sont pas trompés et ont délaissé le modèle. Mais ce coup d'essai manqué n'a pas empêché le Coréen de s'imposer, un peu plus tard, sur tous les segments et sur toute la planète.
Lorsque l'on veut s'implanter sur un marché, on est parfois prêt à tout. Surtout à s'inspirer des concurrents bien en place. Y compris en utilisant la photocopieuse, comme ce fut le cas de Kia en ce début des années 2000, une époque durant laquelle le groupe coréen commençait son ascension planétaire à la fois en Europe comme en Amérique. Un moment ou le succès passait par les grandes berlines statutaires, histoire de faire des volumes aux US, et de s'acheter une belle image chez nous, puisque sur le vieux continent, ce type d'auto n'avait déjà plus que l'apanage des marques premium.
Bonne image, premium, grande berline ... : les mots-clés de la future Kia ne sont pas tombés dans l'oreille des designers sourds du bureau de style de Séoul, menés par Sung-Dae Baek. Et la grande auto qu'ils ont dessinée reprend exactement tous ces éléments. Les dirigeants veulent du premium pour l'Europe ? On va leur coller une face avant façon Mercedes Classe E, version W211. Les patrons veulent prouver à l'Amérique qu'ils sont capables de fabriquer autre chose que des voitures pas chères ? On va leur concocter une descente de lunette arrière façon Lincoln Town Car,.
L'Europe et l'Amérique rassemblées
Deux choix évidents : la E est la Mercedes la plus vendue au monde, avec une excellente image de fiabilité et Lincoln étant la filiale haut de gamme de Ford, elle fera parfaitement l'affaire. Et peu importe si le plagiat est évident, au contraire : il s'agit de démontrer au monde entier que Kia sait faire comme les grands. Car à cette époque, au niveau planétaire, le Coréen ne vend qu'1 million de voitures par an, un chiffre qui a plus que doublé depuis.
Ce curieux patchwork est bien entendu validé en haut lieu. Quant au copié-collé revendiqué, les hautes instances coréennes pensent qu'il devrait passer crème grâce au prix de vente de l'engin : 36 600 euros, au tarif de l'époque (soit 38 000 euros d'aujourd'hui). La Mercedes Classe E dont elle s'inspire, tout comme la Lincoln dépassent les 40 000 euros en 2003 (soit 43 000 euros actuels). Les gens achètent bien de fausses Rolex parce qu'elles sont moins chères que les vraies. Sauf que la différence de prix entre la véritable montre suisse et sa contrefaçon est beaucoup plus importante. Et qu'une montre en panne se contente de ne plus donner l'heure, alors qu'une auto à l'arrêt freine un tantinet la mobilité de son conducteur.
Opirus alias Amanti
L'auto est donc lancée en 2003. Elle s'appelle Opirus en Europe, un curieux nom qui fleure bon la gloire du Haut Empire égyptien, et Amanti aux US, pour lui donner un cachet latin qu'elle n'a pas. Si aux États-Unis les ventes sont mollassonnes, Europe, elles sont carrément inexistantes. En France, par exemple, l'importateur est d'une prudence de sioux et pour 2004, la première véritable année d'exploitation, il fixe des objectifs ultra-raisonnables puisqu'il projette de n'en vendre que 64, ce qui, étant donné le nombre de concessionnaires à l'époque (120) permet d'atteindre le score en ne livrant qu'une voiture de démonstration à la moitié de son réseau. Il n'en écoulera pas plus et l'Opirus a fini par quitter l'hexagone de façon aussi discrète qu'elle est apparue.
Et pourtant, voilà une auto coréenne qui, au-delà de son look germano-américain, est plutôt irréprochable. Son intérieur est parfaitement assemblé et suréquipé, sa base technique est héritée de la Hyundai XG, avec son bloc V6 de 3,5 l et 204 ch. Évidemment, elle est associée à une boîte auto à 5 rapports d'avant que ces merveilles électroniques ne soient d'une sobriété exemplaire. Ce qui lui vaut un budget essence aussi pharaonique que son nom, puisqu'elle dépasse les 11 l/100 km en moyenne. Mais l'affaire est garantie 5 ans, et ne souffre d'aucun problème de fiabilité. L'Opirus est surtout, malgré son flop une première pierre déposée dans le jardin automobile mondial et a prouvé que Kia avait sa place sur tous les segments et dans tous les pays. Côté berline, il a su démontrer qu'il pouvait avoir un style propre, avec la Stinger notamment. Côté premium, la naissance de Genesis, marque haut de gamme du cousin Hyundai, démontre que le groupe n'a pas renoncé à investir ce domaine. Malgré une première déconvenue.
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