La beauté des laides : Citroën C5 – 1 : très vilaine, mais toujours sereine
Michel Holtz , mis à jour
Elle a succédé à la XM et à la Xantia en même temps. Des autos de haute lignée qu'elle a eu la lourde tâche de remplacer. Mais dès son arrivée en l'an 2000, elle a subi les moqueries. Pourtant, derrière ses lignes totalement inexistantes, se cache la meilleure auto de ces années-là. Depuis cette époque, la sérénité au volant a un nom : Citroën C5.
En cette fin du XXe siècle, dans le centre de R & D des chevrons, soufflait un courant d’air tiède, comme si le mot d’ordre poussait les designers à ne pas la ramener, sur l’air de « Les Flaminio Bertoni, les Robert Opron, c’est fini. Faites du quelconque ». Et si tel était le cahier des charges, il a été rempli avec un zèle parfait, tellement le dessin de la première version de la Citroën C5 est pataud, banal, fadasse, passe-partout et mou du genou. On en fait des tonnes pour le qualifier ? Beaucoup plus que ceux qui ont dessiné cette voiture, c'est certain, et qui n'ont pas fait grand-chose pour la rendre attractive. En fait, tout est loupé dans cette auto. Sa face avant semble dessiné par Bricolo et Bricolette, l'un s'occupant de concevoir des feux sans consulter celui qui a concocté la calandre. Le profil, quant à lui, semble plonger vers l'avant et s'en trouve boursouflé à l'arrière pour caser les passagers et l'énorme hayon qui a fort à faire pour accueillir des feux arrière sortis de nulle part.
Une seule explication peut justifier le fait qu'un tel dessin soit validé et qu'une telle voiture soit mise en production : la hâte. Et il semble bien qu'en ces années, Citroën soit pressé. La grande berline C6 qui devait initialement remplacer la XM n'est pas prête. Et elle ne le sera pas avant quelques années. La Xantia a déjà sept ans et côté concurrence, on s'agite. La Renault Laguna s'apprête à être renouvelée et Peugeot commence à travailler sur la 407. Alors on s'affole et on gribouille pour faire avancer le projet X40, nom de code de la C5.
Un succès, malgré tout
Lorsqu'elle apparaît, en 2001, les augures lui prédisent le pire. Sauf que la marque a ses fans, des adorateurs qui, pour rien au monde ne troqueraient leurs suspensions hydropneumatiques pour de vulgaires amortisseurs classiques. Et dès sa première année de fabrication, elle s'écoule à près de 190 000 exemplaires. Les aficionados ne se sont pas trompés : c'est une vraie Citroën. Mais, malheureusement, pas seulement à cause la douceur de son toucher de route. Comme c'est parfois le cas pour les autos lancées à la hâte par la marque aux chevrons, elle souffre de menus problèmes de jeunesse. En cause, le multiplexage inauguré sur la C5.
Reste que le cœur des fans de la suspension qui a fait vomir des générations d'enfants ne suffit pas. La marque doit élargir sa clientèle et les rivales arrivent sur le marché. La Peugeot 407 est annoncée pour 2004, alors les chevrons décident de réparer les dégâts et de rendre la C5 présentable. La face avant est transformé, l'arrière aussi. Nouvelles optiques, nouvelle calandre : pour une fois, un restylage est vraiment visible. Impossible évidemment de transformer la structure elle-même et le curieux profil subsistera jusqu'au bout, en 2008, lorsqu'une autre C5 prendra la relève. La nouvelle génération a compris la leçon : plus question de faire moche, mais pas question non plus de refaire du Citroën exubérant. La nouvelle est consensuelle et plaît à tout le monde, surtout à ceux qui admirent les berlines allemandes, puisqu'elle s'inspire directement de l'Audi A4 du moment.
Une remplaçante qui doit tout à l'ancienne
Mais que serait cette nouvelle C5 couverte d'éloges lors de son lancement sans celle qui l'a précédé ? Car au vilain petit canard elle a tout volé. Sa fabuleuse suspension Hydractive 3 gérée électroniquement, une première, son avertisseur de franchissement de voie, une première encore, la commande vocale, une première toujours, en France du moins. Rendre hommage à la première C5 au physique pourtant difficile ? Les clients l'ont fait, puisque durant ses huit ans de carrière, ils ont été plus de 720 000 à signer un bon de commande, soit un score presque équivalent à celui de l'ennemie 407, et meilleur que celui de la C5 qui lui a succédé. Même si la deuxième génération a connu le déclin des berlines en général. Mais alors, si les automobilistes se sont rués sur la première C5, auraient-ils mauvais goût ?
Au contraire, ce bon score est plutôt bon signe. Car il agit comme un pied de nez au marketing absolu qui voudrait que les clients ne soient attirés, et bluffés, que par les apparences, le design en l'occurrence. Cette première C5 a prouvé qu'ils étaient parfaitement capables de passer outre. Et de se rendre compte par eux-mêmes des qualités intrinsèques d'une auto, de son confort impeccable, de sa tenue de route irremplaçable, et même de ses moteurs (les diesels HDI 110 et 136ch de l'époque) qui savent bien se tenir. En fait, cette Citroën est l'auto de ceux qui savent. Et finalement, ils sont plus nombreux qu'on ne le suppose.
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