L'appel d'urgence des équipementiers automobiles à l'agonie
Lionel Bret , mis à jour
Endettement, pénurie de composants, manque de volumes, l’industrie des équipementiers automobiles traverse une crise profonde et risque de perdre la moitié de ses emplois d’ici à 2030. La filière brûle, pendant ce temps l’État et les constructeurs regardent ailleurs.
La situation est gravissime mais pas désespérée. Sur la corde raide, la filière des équipementiers automobiles en France risque de perdre " la moitié de ses 57 000 emplois au cours des 5 prochaines années à cause de la baisse des volumes de ventes de véhicules, du ralentissement de l'électrique et de la concurrence chinoise ", s’est alarmé ce 18 septembre Jean-Louis Pech, le président de la FIEV (Fédération des industries des équipements s de véhicules).
Alarmiste mais non fataliste. La situation désastreuse dans laquelle se trouve l’industrie des équipementiers français appelle " une action rapide et coordonnée " pour éviter que la filière ne tombe dans le coma ou ne passe petit à petit entre les mains d’investisseurs étrangers qui "feraient de la France, voire de l’Europe, une variable d’ajustement dans leur bilan comptable", selon Jean-Louis Pech.
Renforcer l'attractivité
Face aux soubresauts de la concurrence internationale, notamment chinoise, la filière doit réagir et se coordonner. Au niveau national, mais aussi européen. " Les équipementiers allemands, dont les rapports avec leurs constructeurs nationaux se sont crispés, peuvent s’aligner sur une vision industrielle européenne en non plus nationale ", souhaite Jean-Louis Pech. Et de présenter " l’alignement européen comme un levier pour mener " la guerre commerciale " qui oppose l’Europe aux États-Unis et à la Chine.
Et de pointer, la politique du tout électrique, sans pour autant remettre en cause l’objectif de la fin du thermique en 2035. " Nous sommes venus jouer sur le terrain de jeu des Chinois dans des technologies qui sont les leurs " explique-t-il et d’ajouter que les Européens " sont arrivés la fleur au fusil. " Mais contrairement à ce que laisse penser le rapport sur la compétitivité de Mario Draghi¹, il n’est pas trop tard. Les équipementiers français et européens ont fait les efforts et les investissements nécessaires pour réussir la transition électrique. Problème, la France a perdu "30 % de ses ventes auto depuis 2019 et l’Europe 14 %". La part de marché des VP 100 % électriques en Europe est de 13,8 % sur les 7 premiers mois de 2024 contre 14,3 % sur la même période en 2023. Ce manque de volumes pénalise l'ensemble des équipementiers qui doivent faire face à une baisse des commandes alors qu'ils ont massivement investi dans les nouvelles technologies d'électrification. Par ailleurs, la baisse d'appétence pour les véhicules électriques fait planer le risque de voir les constructeurs ne pas atteindre "les objectifs d’émissions de CO2 auxquels ils seront assujettis en 2025 (réglementation CAFE)". L'impact serait " négatif sur les équipementiers ". Pour relancer la demande, la FIEV réclame un soutien "des ventes des véhicules électriques ".
Impliquer les constructeurs
Aux constructeurs également de prendre leur responsabilité pour soutenir la filière au lieu de mener une politique "d’enchères à la baisse " pour diminuer encore et encore les prix. Ce qui finalement profite aux industriels chinois et aux gros groupes implantés en Asie. Si " la politique de coût est rationnelle, portée à son extrême elle est destructrice de valeur " regrette Jean-Louis Pech. Avec à terme, le risque de destruction du tissu industriel et social de la filière.
Le renforcement de la compétitivité et de l’attractivité de l'industrie des équipementiers, réclame une implication de l’État durable. "Nous avons besoin d'une vision à long terme. La transition vers l’électrique ne peut réussir sans des aides gouvernementales durables. Aujourd'hui, le pilotage et les soutiens sont trop limités dans le temps ", déclare le président des équipementiers. Et de proposer " une refonte des politiques européennes et de soutenir les investissements importants ".
Enfin la FIEV demande aux gros équipementiers français (Forvia, Valeo, Michelin et OPmobility) très implantés en Asie et dans le monde, de faire « maison commune » et de parler d'une même voix afin de renforcer l’action et le poids de toute la filière. Un sacré challenge au vu de l'extrême concurrence entre les différents acteurs.
1 : rapport Draghi
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