Garages solidaires : le phénomène (reportage vidéo)
Quoi de neuf dans l'automobile ? Les garages solidaires. Des établissements généralement implantés dans des quartiers difficiles, où il est possible de faire entretenir son véhicule à des tarifs très bas. Une centaine d'entre eux existerait aujourd'hui en France, portant des enjeux qui vont bien au-delà du seul entretien automobile. Il est question de solidarité, de sens de l'initiative et même de politique, au service d'une cause essentielle : la mobilité.
Qu’il s’agisse de récupérer ses enfants à l’école, aller au travail (ou en chercher un), permettre l’accès aux soins ou faire ses courses, l’automobile est un outil indispensable au quotidien. Seulement voilà, cela coûte cher. D’après une étude de l’Automobile Club Association, le budget d’entretien d’une citadine à moteur essence s’élève en moyenne à près de 800 € par an. Or, ces dépenses vont plutôt croissant à mesure que les voitures vieillissent. D’après le Comité des constructeurs Français d’automobiles (CCFA), l’âge moyen du parc s’établit à près de 9 ans, contre un peu plus de 7 ans au début des années 2000. Une paupérisation de la société apparaît clairement, et se manifeste par le fait que 6 à 8 millions de Français font face à des difficultés budgétaires pour tout ce qui a trait à la mobilité.
La première solution pour les automobilistes les moins argentés consiste à ne plus entretenir sa voiture. Une mauvaise idée, tant en termes d’environnement que de sécurité routière. C’est aussi un mauvais calcul car un véhicule mal entretenu est un véhicule qui vieillit encore plus vite. La deuxième solution, de plus en plus répandue même si aucune statistique officielle n’existe, est de faire appel à un atelier clandestin, tel qu’il en a toujours existé dans les cités. Souvent du bricolage, sans la garantie de qualité que peuvent offrir des professionnels. Finalement, la meilleure solution, pour ces personnes en difficulté consiste à remmener leur voiture au garage. Mais pas n’importe quel garage : un garage solidaire.
20 € l’heure de main-d’œuvre
Une centaine de ces établissements existerait aujourd’hui dans l’hexagone, affichant des tarifs de l’ordre de 20 € de l’heure (parfois un peu plus, parfois moins), contre 60 à 80 € aux garages classiques. Toutefois, prévenons tout de suite quiconque serait tenté par l’effet d’aubaine : ne sont admis que les automobilistes bénéficiant d’une prescription de Pôle emploi ou de services sociaux. Soit des gens qui n’ont pas vraiment les moyens de faire entretenir leurs voitures dans les garages classiques (même si la plupart d'entre eux acceptent des paiements échelonnés pour faciliter la vie de leurs clients, rappelons-le), et qui dans les zones les moins favorisées font souvent appel à des garages "au noir" : « quand j’ai lancé mon garage solidaire, ça a presque plus râlé dans les ateliers clandestins du quartier que du côté des établissements classiques, qui ont vite compris que nous n’étions pas là pour prendre leur clientèle », témoigne Soufiane Iquioussen, créateur du garage solidaire du Hainaut, à Denain, près de Valenciennes. Désormais à la tête de deux établissements solidaires qui traitent environ 800 véhicules chaque année, le jeune homme fait preuve d’un fort sens de l’initiative : « on part du principe que l’État-providence c’est fini, il ne faut pas attendre que ça vienne toujours des pouvoirs publics, et il faut au contraire que l’on mette tous la main à la pâte pour faire avancer les choses. » À plus forte raison dans une ville comme Denain, l’une des plus pauvres de France. "D'ailleurs, j'ai proposé à certains de ces mécaniciens clandestins de nous rejoindre, afin qu'ils bénéficient de contrats d'insertion et finissent par se faire embaucher dans des garages classiques", poursuit l'entrepreneur.
Solidarité en chaîne
Les prestations des garages associatifs se limitent généralement à de la mécanique de base (rarement de la carrosserie ou de la peinture), tandis que les pièces détachées proviennent de grands réseaux nationaux qui pratiquent des tarifs préférentiels, ou parfois par de grandes enseignes qui écoulent ainsi les invendus. Un fabricant de pneus s’apprête par exemple à céder à titre gracieux à un garage solidaire un lot important de produits comportant un léger défaut de marquage sur les flancs, ce qui les rend invendables en l’état. Par ailleurs, nombre de garages solidaires diversifient leur activité pour améliorer leur rentabilité, avec par exemple la revente de véhicules d’occasion (automobiles, vélos…), la location de véhicules à bas prix, ou bien encore des activités de self garage, qui permet d'entretenir soi-même sa voiture à l’atelier, en bénéficiant des conseils de professionnels. C’est donc parfois tout un écosystème qui se met en place.
Les garages solidaires bénéficient généralement de subventions liées à la fois à leur emplacement (quartiers défavorisés, zones franches…) et à leur mission (personnel en contrats aidés ou d’insertion), mais leur modèle économique reste fragile, puisque moins d’un tiers seraient pérennes. D’où la nécessité de la soutenir, ainsi que le souligne Patrice-Henry Duchêne, délégué de la Fondation PSA : « les garages solidaires sont des acteurs importants et utiles de la mobilité, il était donc logique que la Fondation PSA les soutienne. Cela permet que sur un territoire donné, rural ou périurbain, chaque personne puisse trouver une réponse à ses questions liées à la mobilité. 7 millions de Français sont concernés ». Il y a donc - hélas - une forte demande. Et la mauvaise nouvelle est que celle-ci ne fait que croître.
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