Française de Mécanique, fin programmée d’un géant des moteurs
En 2025, la Française de Mécanique, devenue Stellantis Douvrin, devrait s’arrêter de produire des moteurs thermiques, au profit des batteries, sous la bannière ACC. La fin d’une belle aventure débutée en 1969…
On avait bien espéré en 2021, quand Carlos Tavarès, patron de PSA, avait annoncé que le site de Douvrin allait bien produire la future génération du moteur EB. Oui, l’évolution à chaîne de distribution du bloc Puretech tant décrié pour son manque de fiabilité. Elle sortira en fait d’une usine Opel en Hongrie. Car le site Stellantis du Nord se reconvertit, non sans considérablement rapetisser (et perdre des emplois), dans la batterie pour voiture électrique via ACC (Automotive Cells Company), l’union créée avec TotalEnergies/Saft et Mercedes-Benz. La décision européenne d’interdire dès 2035 la vente de mécaniques brûlant des carburants fossiles a été capitale.
Fin 2025, le dernier moteur thermique, un Puretech à courroie, devrait être produit : la fin d’une épopée industrielle débutée en 1969 avec Renault. A l’époque, ce dernier s’est allié à Peugeot pour créer la Française de Mécanique, une entité destinée à fabriquer des mécaniques très modernes tout en réduisant les coûts. L’idée de ce rapprochement revient à Pierre-Louis Dreyfus, alors patron de la Régie Renault. Il comprend que sa marque devient trop petite, notamment par ses ressources financières, et trop isolée pour répondre aux défis du Marché Commun. Surtout qu’en 1963, Peugeot et Citroën, établissant un constat similaire, annoncent leur association… qui échouera.
Cela décide Dreyfus à approcher la firme de Sochaux, et cette fois, cela se traduit d’abord sur un accord signé le 22 avril 1966. Ces deux-là se connaissent bien, pour avoir déjà collaboré : Peugeot a acheté à Renault des machines-transfert en 1955 et Renault a acheté à Peugeot de l’outillage pour la 4L. Avec ce nouvel accord, Peugeot et Renault vont acquérir en commun des matières premières et des pièces, mais aussi établir des fabrications croisées. L’un produira pour l’autre et vice-versa. Par exemple, les disques de frein du Peugeot J7 seront faits chez Renault. Il est même envisagé d’assembler des Renault dans l’usine Peugeot de Mulhouse, mais cela n'aura pas lieu.
Toujours est-il que l’association fonctionne bien, et débouche sur des installations à usage partagé entre les deux. Peugeot développe sa piste de tests à haute vitesse de Belchamp, que Renault peut utiliser, et Renault celle de Lardy (tests de dérapage, tunnel de poussières), ouverte à Peugeot. Les deux se dotent aussi d’un centre d'essais grand froid en Suède, à Kiruna. Tout ceci est tellement fluide que Dreyfus voit plus grand : la création d’une filiale commune avec Sochaux pour fabriquer des moteurs. Peugeot fait fi de sa prudence provebriale et accepte. Ainsi naquit la Française de Mécanique, en 1969. Les deux marques ne modifient pour autant pas leur structure financière pour bâtir l’usine, à Douvrin, près de Béthune.
Elle coûte tout de même un milliard de francs : des prêts seront contractés et des aides de l’Etat accordées (10 000 francs par emploi créé, notamment). L’usine commence alors à sortir de terre, et dès 1971, elle produit ses premiers moteurs. Ce sont les X, étudiés par Peugeot pour sa petite 104 qui l’inaugure. Renault doit bien sûr les utiliser, mais dans une auto plus grande dont le développement a pris du retard : la R14, lancée en 1976. Entre-temps, le deuxième bloc, en V et lui aussi conçu par Peugeot, est lancé en 1974 sur la 504 coupé/cabriolet : le fameux PRV. Le troisième moteur inédit apparaît en 1977, sur la Renault 20 TS : le Douvrin, lui dû à Renault. La Française de Mécanique est donc efficace : d’une part, ses moteurs sont de bonne qualité, de l’autre, elle permet aux constructeurs de belles économies d’échelle.
Tous ces blocs vont continuellement évoluer, permettant de ne lancer le prochain qu’en 1986 : le TU, qui ne sera utilisé que par PSA. Dix ans plus tard, deux mécaniques inédites apparaissent : le bloc D, réservé à Renault (on verra ce petit 4-cylindres 1,1 l notamment dans la Twingo), et le remplaçant du PRV. Ce V6, dénommé ES chez Peugeot (qui l’a conçu) et L chez Renault sera le dernier moteur utilisé en commun par les deux constructeurs.
Car ceux-ci, dès 1974, ne s'entendent plus si bien. Un évènement majeur distend les relations entre les deux constructeurs français : le rachat de Citroën par Peugeot. Renault voit ça d’un très mauvais œil, ses relations avec le double chevron ayant toujours été exécrables. L'association scellée en 1966 est alors annulée.
Cette fin donne alors aux protagonistes une plus grande liberté, dont Peugeot tirera plus de profit que Renault. En effet, le lion s’associe en 1998 avec un autre blason pour de nouveaux moteurs : Ford. De cette union jaillira en 2003 le DV, un diesel, d’abord proposé en 1,4 l, puis en 1,6 l et enfin en 1,5 l. Une autre union a lieu, cette fois entre Peugeot et BMW, ce qui donne le moteur EP (plus connu sous l'appellation THP), à essence, en 1,4 l et 1,6 l.
Le dernier bloc inédit fabriqué à Douvrin apparaît en 2013 : c’est l’EB Turbo, le Puretech suralimenté (la version atmo est produite ailleurs) si problématique à cause de sa courroie de distribution immergée. Avec lui, l'usine passe le cap du 50 millionnième moteur produit, en 2021.
Pendant ce temps, en 2013, Renault s'est retiré de la Française de Mécanique, revendant ses
50 % à PSA. Paradoxal que l'initiateur de la coentreprise soit le premier à s'en dégager !
Avec le déclin du thermique décidée à l’échelon européen, la seule solution de survie du site de Douvrin est de passer à l’électrique, de devenir une « gigafactory », nom pompeux désignant une unité de fabrication de batteries pour voitures électriques. Une page se tourne, la France voyant par ailleurs sa production d’automobiles chuter de façon irrémédiable…
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