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EuroNCAP sauve des vies et tue l’humanité

Dans Economie / Politique / Industrie

Jean Savary

Quand EuroNCAP prive d’étoiles la Zoé et n’en accorde qu’une seule à la Spring, Renault n’a pas volé sa fessée. Et pourtant, il serait temps de s’interroger sur le bien-fondé des crash tests et ce qu’ils impliquent.

EuroNCAP sauve des vies et tue l’humanité

Zéro étoile pour la Zoé, une seule pour la Dacia Spring et, sur le communiqué, un titre assassin : « L’héritage de Renault Laguna ruiné avec Zoé et Spring »

Concernant cette dernière, le texte est particulièrement cruel : « Avec le Spring, les "maîtres de l'ingénierie frugale" ont lancé un produit qui va au-delà de la simplicité. Ses performances dans les tests de collision sont carrément problématiques, avec un risque élevé de blessures mortelles pour la poitrine du conducteur et la tête du passager arrière lors des tests de collision frontale et une protection thoracique marginale en cas de collision latérale ».

Quant à la Zoé, elle perd d’un coup d’un seul ses 5 étoiles de 2013 pour n’avoir pas adopté au moment de son restylage, certaines aides à la conduite qu’EuroNCAP juge désormais indispensables. Cela conjugué à une vilaine mesquinerie du constructeur qui a remplacé un airbag tête-thorax par un modèle moins efficace.

Rien de nouveau sous le losange : au début des années 2010, Renault supprimait en catimini des airbags latéraux de sa Clio à l’occasion d’un restylage.

Cette fois, pour se défendre, le constructeur invoque l’adaptation de l’équipement de sécurité de ses voitures à « l’accidentologie réelle ».

La berline la plus sûre de son époque

EuroNCAP sauve des vies et tue l’humanité

Que veut dire « accidentologie réelle » ? Et en quoi consiste s’y adapter ? Est-ce une façon cynique d’expliquer qu’un airbag de tel type à telle place sauve trop peu de vie pour justifier son coût ?

Je pense que oui, et permettez-moi de ne pas trouver cela choquant.

Remontons à la fameuse Laguna, deuxième du nom, dont « l’héritage » vient, selon EuroNCAP, d’être ruiné par ses petites sœurs électriques.

En 2001 à son lancement, c’est la berline la plus sûre de son époque, offrant une sécurité passive et active supérieure aux Volvo, Mercedes, BMW et Audi et installant durablement le Losange en tête dans la course aux étoiles.

C’est aussi elle qui ruinera l’héritage de fiabilité établie par la précédente Laguna et avant elle par la R19, mais c’est une autre histoire.

En 2001, donc, quand paraît la Laguna 2, il y a encore 8 160 tués sur les routes françaises. En ce début de siècle, alors que l’on assiste depuis 10 ans à la généralisation de l’airbag et de l’ABS, la courbe du nombre de tués est en pente douce : 2 000 morts de moins qu’en 1991.

Il stagnera encore jusqu’en 2002, quand Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, son ministre de l’intérieur inaugurent la tolérance zéro et le radar automatique. Et là, dans les 18 mois suivant, le bilan annuel descend aussi fortement que pendant la décennie précédente, établissant la preuve définitive que l’amélioration de la sécurité sur les routes tient plus au comportement des conducteurs et aux vitesses pratiquées – en clair, à la peur du gendarme - qu’au progrès technique.

Un milliard de Tesla et de Zoé sur terre ?

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Cela signifie très clairement que nos voitures ont été alourdies de plusieurs centaines de kilos (et renchéries de 40 ou 50 %) pour ne participer qu’à quelques pourcents, 20 % au plus, de l’amélioration de la sécurité routière.

C’est là qu’intervient l’arbitrage revendiqué par Renault avec son « accidentologie réelle ». Car nous n’en sommes plus à 10 000 ni à 8 000 morts par an, mais à moins de 3 000. Un bilan à mettre en rapport avec celui du Covid (et de bien d’autres maladies) mais surtout à situer dans le contexte où évolue aujourd’hui l’automobile : le réchauffement climatique et les centaines de millions de victimes qu’il promet s’il n’est pas contenu.

Or nos voitures (et camions) sont responsables d’un bon quart des émissions de C02 et autres gaz à effet de serre.

Et l’alternative électrique, pour ne pas s’avérer aussi écologiquement désastreuse que ce qu’elle remplace, ne pourra fonctionner qu’avec des voitures plus légères et moins énergivores. Il y a en ce moment même un milliard de voitures thermiques sur terre. On ne les remplacera pas d’ici 2050 ou 2100 par un milliard de voitures électriques au format des Tesla, ni même à celui de la Zoé. Un milliard de batteries de 50 à 100 kWh ? Il faudrait pour cela éventrer la planète afin d’en extraire les métaux rares et la couvrir de panneaux solaires, d’éoliennes et de centrales nucléaires pour les alimenter en énergie.

L’autonomie d’une Tesla avec une batterie de Spring…

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Il faudra donc la jouer plus fine et repenser nos voitures. Donc, aussi leur sécurité. Aujourd’hui, c’est le style « ceinture et bretelles ». D’un côté la sécurité passive qui, à coups d’habitacles renforcés, zones de déformation et airbags a tiré l’aiguille de la balance sur la tonne et demie, pile le poids de la Zoé qu’EuroNCAP ne trouve pas encore assez « garnie ».

De l’autre, la sécurité active avec tout un attirail qui ne se contente plus d’améliorer le freinage et d’éviter le dérapage mais aussi désormais la collision quitte à tourner le volant ou freiner à la place du conducteur en attendant d’autres raffinements imminents.

La première de ces deux sécurités, la « tankisation » coûte des centaines de kilos pour un résultat statistiquement médiocre. La seconde n’a pas encore vraiment fait ses preuves, mais elle n’alourdit nos autos que de quelques kilos de capteurs, calculateurs et actionneurs.

Il faudra choisir laquelle conserver et il ne fait aucun doute que ce sera la seconde si l’on veut un jour avoir l’autonomie d’une Tesla avec les 25 kWh (et 200 kg) de batterie d’une Dacia Spring, chose parfaitement possible avec une voiture basse et aérodynamique ne pesant que 7 ou 800 kg.

Une auto qui ne sera pas forcément un cercueil roulant : il suffirait de placer le moteur à l’arrière et de donner au lourd plancher-batterie une liberté de mouvement vers l’avant (l’effet « contrecoup » du moteur de la Smart) pour obtenir une protection correcte en choc avant.

Utopie ? L’utopie, à mon humble avis, consiste à croire que nous continuerons à nous déplacer seuls dans des voitures consommant autant d’énergie pour parcourir cent kilomètres qu’il n’en faut à une famille pour se chauffer et cuisiner pendant trois jours.

Dans cette optique, EuroNCAP devrait reconsidérer ses tests d’évaluation. L’objectif n’est plus de protéger le tibia d’un hypothétique adulte passager arrière droit d’une collision désormais toute aussi hypothétique, mais d’empêcher le progrès technique de griller la planète.

Le crash test est pour bientôt.

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