Essai CBR 954 RR 2002 : le tranchant de la lame
Le CBR, modèle sportif du catalogue Honda, n'a cessé d'évoluer depuis sa première apparition en 1992. Se bonifiant d'année en année, j'ai essayé aujourd'hui le sixième millésime produit durant les années 2002 et 2003 qui portait le nom de "954 RR Fireblade". Déjà en avance sur son temps du point de vue technologique, plus léger et plus puissant que le précédent, il n'en est pas devenu pour autant exclusif et radical. Le 954 était-il à la hauteur de ses prétentions ? Rien de tel qu'un essai pour en avoir le cœur net.
L'idée d'essayer le mythique 954 RR me trottait dans la tête depuis longtemps. Ce fut chose faite grâce à Jean-Pierre alias JP, heureux propriétaire d'un Fireblade de 2002 rouge et noir qu'il a mis en vente pour goûter aux joies du modèle 2006: le 1000 RR. Le point de rendez-vous était donné devant la concession Chomat Moto à Manosque, le fief de JP. Cette concession, tenue par le légendaire Pierrot, est pour le moins originale. Son effectif ne compte que des passionnés de la discipline, les pilotes du Team Chomat, auquel se sont greffés les habitués dont JP fait partie. J'ai fait leur connaissance quelques temps auparavant grâce à mon vieux pote Starck et ils réservent toujours un accueil chaleureux, avec le sourire et le savoir vivre digne de vrais motards. Rien à voir avec certaines concessions où seul le chiffre d'affaire fait légion. Ici, c'est une véritable famille de gens ouverts d'esprit et toujours agréables. Le temple de la marque ailée qui abrite les siens sans se fermer aux autres.
La majestueuse CBR 954 RR était là, fraîchement sortie d'un nettoyage matinal. Les rayons brûlants du soleil de septembre venaient réchauffer ses lignes agressives sur le parvis de la concession. Enveloppée d'un manteau rouge et noir, la belle trônait autour de ses compagnes de la marque mais c'était bien elle la reine.
Une tête, certes moins incisive que les modèles de dernière génération mais déjà très agressive, présente les trois éclairages qui viennent se loger dans le phare en "V", certainement celui de la victoire. Agrémentée d'une bulle galbée et teintée, elle a un air racé qui inspire au motard qui la regarde une vocation de pilote. Derrière s'y trouve un tableau de bord bien mieux fourni que ses concurrentes. Le régime moteur s'affiche sur un compteur analogique, accompagné d'un écran digital présentant la température moteur, et accolé d'un seconde écran où l'on retrouve la vitesse instantanée, le kilométrage total et deux partiels, l'horloge, la pression d'huile et un indice sur la consommation de carburant avec le calcul du nombre de kilomètres effectués par litre d'essence.
Juste au dessous se trouve le symbole HISS assurant la sécurité contre des personnes mal intentionnées grâce à une clé à puce. Puis au bas de la clé, c'est un amortisseur de direction Hyperpro qui vient s'occuper de la sérénité de la direction, accessoire fort utile parait-il sur ce modèle de sportive qui a tendance à délester puis guidonner quand on tire le premier rapport.
Le réservoir cintré chapeaute un 4 cylindres de 954 cm3. 9 - 5 = 4, le compte est bon. Tellement bon qu'il développe une puissance de 151 ch, survitaminé par l'injection électronique. L'envolée des gaz d'échappement achèvera sa course folle par une demi-ligne LeoVinci en titane. La suite se compose d'une selle fine et d'un arrière profilé, avec passage de roue de série et un feu à diodes blanc. La selle passager, montée sur charnière, offre un coffre d'une capacité étonnamment généreuse pour la catégorie.
Récapitulons : compteur digital, fourche inversée, injection électronique, feu à leds... On ne peut qu'admettre le côté avant-gardiste de Honda. Et la finition fait la réputation de la marque. Tout est soigné, les câbles, les soudures... Rien à voir avec le ZX-9R du dernier essai. Le bras oscillant en alu forgé est superbe. Le freinage avant n'a pas d'étrier radial mais une paire de disques en 330 mm. Les roues sont chaussées de Bridgestone BT015, très efficaces selon JP mais présentant une aversion bien trop prononcée pour la longévité. Le tour est fait, prenons place !
Ca y est, ça va être le moment du verdict. Je m'installe aux commandes et le sourire m'accompagne. C'est impeccable. Je suis bien assis, mes jambes trouvent leur place aux flancs de la belle. Je suis basculé en avant vers les bracelets mais juste comme il faut, rien d'excessif, à peine plus prononcé qu'une K 1200 S. mais bien moins qu'un GSX-R 2004 et plus. J'appuie sur la télécommande de l'alarme pour que la diode rouge s'endorme, une pression sur le démarreur pour que le moteur se réveille. JP s'est installé au guidon du VTR SP2 de Thomas et m'indique que la balade se fera vers le Pont Mirabeau.
Je suis le guide et nous quittons le parking de la concession. Elle m'a semblé tout de suite légère, se laissant guider sans mouvement brusque. Toujours très bien installé, je me place sur les cale-pieds et on quitte Manosque. Quelques petits zigzags me permettent d'apprécier sa maniabilité alors que le moteur ronronne gentiment en suivant le rythme des voitures qui nous précèdent. Je suis le SP2 à la lettre et je lui emboîte le pas lorsqu'il se décale pour doubler. Une petite torsion de l'accélérateur et voilà que la voiture est déjà dans mon rétroviseur. Juste le temps de remettre le moteur à température et maintenant, la voie est libre.
Changement de décor, fini le passage au paddock, on entre sur son terrain de jeu. JP s'élance devant moi et je le suis, bien abrité derrière la bulle. La première courbe qui se dessine à quelques mètres maintenant me donne déjà le sourire. Une fine pression sur le levier de frein et la voilà dans la bonne trajectoire, je sors une fesse, la moto me suis et file vers la corde. Le twin du SP2 expulse JP du virage, le tigre qui sommeillait sous moi vient d'en faire une histoire d'orgueil. Il s'énerve et m'arrache de la courbe pour prendre en chasse son poursuivant. J'essore la poignée, le bruit que m'offre le moteur me donne des frissons. Je suis dans sa roue en m'appliquant d'imiter ses trajectoires. Un bout de droit et le tigre ouvre sa gueule, galope, hurle, pousse sans limite. Un virage sans visibilité à droite, je presse les freins et les deux disques avants de 330 mm montrent leur efficacité, je suis stoppé en quelques mètres, je lance la moto sur l'angle en dosant calmement l'accélérateur pour éviter toute hystérie du félin, mais dès que la moto se redresse, je lâche la bride et il s'en donne à cœur joie. Je repars comme happé par un élastique trop tendu que l'on vient de libérer, tout semble sous contrôle à une vitesse pourtant soutenue.
C'est une prise de pied continue, de plus en plus facile à emmener, le CBR se montre toujours vif et précis. Le châssis rigide et les suspensions fermes donnent une assurance dès les premiers virages. JP met son clignotant pour une petite pause "impressions à chaud". J'enlève mon casque et je reste quelques secondes sans voix, en regardant la machine. JP en rigole et me demande fièrement qu'est ce que j'en pense. Pas besoin de tourner autour du pot, cette machine est géniale. Tout y est, la bonne position de conduite, un moteur onctueux et bouillonnant, des freins progressifs et efficace, un châssis rassurant, et un look terrible, ce qui ne gâche rien.
Quelques minutes pour mettre des mots sur ces émotions puis JP, mécanicien de métier, m'explique quelques petites choses sur le CBR. Tout d'abord, l'amortisseur de direction, pour éviter quelques rares surprises de guidonnage. La bulle Fabri et non pas Aeromax qui fait loupe et qui déforme les compteurs quand on laisse la belle au soleil. Une demi-ligne LeoVince et non pas une ligne complète pour garder le système de valves à l'échappement, garant d'une meilleure disponibilité du couple. L'heure à sonner, on doit reprendre la route, et je ne vais pas me faire prier.
JP, grand prince, me laisse ouvrir la route. Je ne sais pas pour vous mais j'ai tendance à préférer partir devant plutôt que suivre, j'arrive mieux à me concentrer sur la route certainement car je n'ai pas en tête d'analyser ce que fait celui qui est devant moi. Du coup, j'ouvre le bal et la bête qui me porte n'a pas l'air de vouloir s'assagir. Elle part toujours aussi fort, freine toujours aussi bien, c'est un régal. On traverse un village, vitesse fixée sur 50 et le moteur sifflote doucement mais personne n'est dupe, on la sent trépigner d'impatience comme un pur sang dans son box de départ. Elle imite bien la moto qui se laisse conduire en ville mais on voit qu'elle aspire à de toutes autres activités.
Le panneau 50 est barré et JP me dépasse, il a décidé d'augmenter le rythme et il s'éloigne. Sort le genou et je vois le SP2, équipé de Power 2CT , couché sur le bitume qui vient ensuite doubler un RSV1000 en balade. J'essaye de le suivre et gratifie le RSV d'un joli bruit grisant signé LéoVince. Je rattrape le SP2, j'entame le virage gauche et je lui passe devant, un signe du casque pour lui dire que j'adore ça. Il me laisse devant sur quelques enchaînements et de nouveau, nous entrons dans un village. A sa sortie, je le vois sur ma gauche qui attire mon attention, en train d'exagérer un mouvement de mise dans l'angle de la poignée droite du guidon. J'en déduis qu'il doit y avoir un message là-dessous. Très bien je m'exécute, et le CBR me satellise. Elle part dès les 3000 tours/min, grimpe jusqu'à 7000 puis explose au-delà. 2nde, 3ème, 4ème, il est juste devant moi, son feu rouge s'allume, fin de l'exercice. Pfffffffiou, mes bras déjà grands ont encore pris quelques centimètres, quel pied !
On roulera gentiment jusqu'à la concession où Pierrot m'accueillera avec une de ses vannes subtiles : "Vu d'ici, je croyais que t'étais sur un CBR 125". Très drôle. Bref. Inutile de chercher, je n'ai pas trouvé de défaut à cette moto. Certains lui reprochent des petits à-coups à bas régime dus à l'injection, je n'ai pour ma part rien senti de vraiment gênant, aucune comparaison possible avec ceux ressentis avec la Fazer 1000. Il paraît qu'en plus, le duo est tout à fait envisageable, à condition bien sûr que le passager ne soit pas trop hermétique à la position sportive. La suspension arrière est réglable avec une facilité déconcertante, ce grasse à deux vis très accessibles au dessus et au dessous de l'amortisseur. C'est une moto très polyvalente, qui s'adapte à la route et dont le moteur permet de doser sa puissance, la cavalerie arrive progressivement, libre à vous d'en sélectionner l'effectif. J'ai été sous le charme, c'est un fait. Rien que d'y penser, je meurs d'envie de renouveler l'essai. Chapeau Honda !
Merci à JP pour m'avoir laisser essayer sa moto qui, je le rappelle, est en vente. Si cette dernière vous intéresse, je vous invite à le contacter au 06-60-53-71-49.
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