Édith Wharton et son étonnant tour de France en Panhard-Levassor
En 1906, l'autrice américaine Édith Wharton entreprend un road trip en Panhard Levassor 15 hp à travers l'hexagone. Une équipée qu'elle va raconter dans La France en automobile, un livre traduit en Français près de 110 ans seulement après son expédition.
C’était un temps déraisonnable ou l’automobile avait un parfum d’aventure. Un temps où l’on connaissait le moment du départ, mais pas l’heure d’arrivée, puisque les intempéries et les problèmes techniques étaient les encombrants passagers des premières voitures. Pourtant, cette liberté du voyage, sans les contraintes horaires des trains fascinait les (riches) écrivains du début du siècle dernier, forcément épris de grand large et de vastes horizons, comme Joseph Conrad et Rudyard Kipling.
Un road trip, de Boulogne-sur-Mer jusqu'en Provence
Mais parmi ces hommes, une femme allait elle aussi tracer sa route au volant. En 1906, l’autrice américaine Édith Wharton décide d’entraîner son mari dans un périple à travers la France, à coups de milliers de km effectués à bord d’une Panhard Levassor 15HP. L’auto, d’occasion, est achetée à Londres et le couple, accompagné d’un chauffeur mécanicien, s’engage dans un tour de l’hexagone qui va les mener de Boulogne à Amiens, de Beauvais à Rouen et de Rouen à Fontainebleau, Suivront la Loire, l’Indre, l’Auvergne, Poitiers, les Pyrénées, la Provence, le Rhône, et le Nord-Est.
Pendant ces mois de voyage, Wharton embarque non seulement son mari Teddy, mais aussi son vieux copain et compatriote Henry James. L’écrivain et auteur de Portrait de femme, adapté au cinéma par Jane Campion avec Nicole Kidman, est lui aussi piqué de voyages à travers l’hexagone, qu’il a raconté dans un ouvrage intitulé, Voyage en France, justement. Et il est partant pour quelques étapes avec le curieux équipage. Des étapes qui, si elles sont rudes durant le voyage, sont plus confortables à l’escale.
Car les riches américains ont engagé quelques domestiques chargés de leurs bagages. Ces derniers prennent le train entre chaque étape, et attendent les aventuriers dans de douillettes chambres d’hôtel. Car il n’est pas question de dormir sous le châssis (en bois) de la Panhard.
En bon écrivain, Édith Wharton recueille et compile ses impressions de voyage, sans s’encombrer de considérations logistiques et mécaniques. Elle se concentre sur les routes qu’elle emprunte comme celle, qui serpente le long de la Seine, ce fleuve « se frangeant d’une brume de saules dorés à mesure que nous grimpions la colline vers Ville d’Avray ». Elle a ses admirations, comme la ville de Pau et les Pyrénées, et ses détestations, comme la cité de Lourdes, « vaste mer de vulgarité ».
Ces écrits sont publiés, au fur et à mesure de ses pérégrinations routières dans un magazine américain, avant d’être éditées, en volume, deux ans plus tard, en 1908. Mais ce n’est que 109 ans plus tard, en 2017, que La France en automobile est traduite en français, avant d’être édité en Folio. Plus d’un siècle pour traverser l’Atlantique, c’est long pour un écrivain, première femme couronnée d’un prix Pullitzer, en 1920, pour son roman Le temps de l’innocence, lui aussi adapté au cinéma par Martin Scorsese. Elle fut également décorée de la Légion d’Honneur pour son action durant la première guerre mondiale. Une guerre qui survient quelques années seulement après la douceur de vivre à la française qu’elle a saluée dans ce road trip.
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