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Des recettes radars en hausse, mais loin des sommets d’antan

Dans Pratique / Radars

Stéphanie Fontaine

Les amendes radars ont progressé de près 20 % en 2021 par rapport à 2020, révèle lundi la Cour des Comptes. En tout, ce sont 809 millions d'euros qui ont été engrangés via le contrôle automatisé. Mais ce rebond, selon la Cour, ne sera pas forcément durable. Revue de détails de ce que nous apprennent les Sages…

Des recettes radars en hausse, mais loin des sommets d’antan

Le verdict était attendu depuis quelques semaines déjà, mais avec la présidentielle, les législatives, les remaniements ministériels, l’info n’était pas encore tombée…

En 2021, les radars ont potentiellement rapporté 809 millions d’euros à l’État, et l’ensemble des amendes potentiellement routières 1 709 euros, selon les analyses de la Cour des Comptes sur le budget de l’État et ses différents comptes, publiées lundi.

« Potentiellement », car les amendes ne sont pas forcément réglées par les usagers contrevenants, et – surprise ! – elles ne sont pas forcément toutes en lien avec les infractions au code de la Route, comme on le verra un peu plus loin.

Sur ces 809 millions d’euros récoltés l’an dernier grâce aux radars, il y a eu 655 millions d’euros en amendes forfaitaires - c’est-à-dire quand elles sont payées dans les temps -, auxquelles s’ajoutent 204 millions d’euros en amendes forfaitaires majorées (AFM) - quand elles ne sont pas payées dans les délais.

C’est certes bien plus qu’en 2020, où les amendes forfaitaires avaient été de 553 millions d’euros, mais cela reste bien loin encore des performances atteintes avant 2018.

À titre de comparaison, en 2017 - année record -, les amendes forfaitaires et majorées engrangées avaient représenté un total de plus d’un milliard d’euros.

Depuis, la crise des Gilets jaunes, puis la crise sanitaire avec les mesures associées (confinement, couvre-feux, fermetures des bars, restaurants et boites de nuit) sont passées par là et ont impacté la circulation routière.

Des recettes bien plus basses que pronostiquées

Et il fallait bien s’attendre à ce que 2021 soit encore bien perturbée par ce contexte.

Malgré tout, comme les années précédentes, les prévisions de recettes établies par le ministère de l’Intérieur ont été bien « trop ambitieuses ».

Même si elles sont en hausse par rapport à 2020, les amendes routières sont globalement inférieures de 15 % aux pronostics, et pour les seuls radars, c’est plus important encore.

« Si l’écart entre le prévisionnel et le réalisé est de -9 % pour les amendes hors radars, le produit des amendes forfaitaires radars non majorées est très en deçà des prévisions de recettes, l’écart atteignant -19 % », dixit la Cour des Comptes.

Et celle-ci de mettre en garde pour l’avenir : le rebond de 2021 par rapport à 2020 et même à 2019 « ne traduit pas à ce stade une tendance solide et durable. La transformation des organisations et des modes de travail sont susceptibles d’affecter le volume du trafic routier durablement et, indirectement, le montant des recettes attendues ».

Ainsi, un changement de comportement des automobilistes après la période traversée ne peut être totalement exclu, selon elle.

Les critiques ne s’arrêtent pas là. Comme les années précédentes, elles sont multiples…

Des recettes qui n’ont rien à voir avec le Schmilblick

Ces recettes surtout ne sont pas toujours en lien avec la sécurité routière.

Rentrent en effet dans ce fourre-tout du compte étatique qui retrace les recettes des amendes routières, celles par exemple créés en 2020 pour le non-respect des règles sanitaires par rapport au Covid 19 (port du masque, confinement), lesquelles ont généré plus de 1,7 million d’avis de contravention.

À 135 euros l’unité (sans minoration), ce n’est pas rien !

Plus marginales, les amendes liées à la diversification du procès-verbal électronique (PVe) en font aussi partie. On parle là de contraventions dressées pour des chiens non tenus en laisse, des occupations de halls d’immeuble, d’usage de stupéfiants…

Et la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles pour les délits sanctionnés par des peines inférieures à un an de prison, comme c’est annoncé par nos autorités, va naturellement accentuer ce phénomène, alors que peu de ces infractions relèvent de la sécurité routière.

Cela fait maintenant plusieurs années que la Cour des Comptes dénonce ce grand bazar. Sans changement.

Des dépenses sans lien non plus avec la Sécurité routière

Si le compte d’affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routier », surnommé le CAS radars – le fameux compte de l’État où tout cela est recensé -, reçoit des amendes qui n’ont rien à voir avec le Schmilblick, il ne récupère pas non plus « l’intégralité des recettes des amendes constatées via les systèmes automatisés de contrôle-sanctions », relève, cette année encore, la Cour des Comptes.

Seule une partie des amendes est affectée à ce CAS. Par rapport aux prévisions d’origine, il n’y en a ainsi que 82 % qui viennent l’abonder, et « seulement 62 % des crédits sont utilisés au profit d’actions liées à la sécurité routière ».

Pour finir même, les dépenses ne représentent « que 51 % des recettes des amendes de la circulation » !

Un comble lorsque l’on sait que ce CAS a justement été créé dans l’objectif de rendre lisible l’usage qui était fait des recettes radars, et de rendre acceptable la politique de contrôle automatisé.

Il fallait donner au public la preuve que le produit des amendes radars était bien affecté à la politique de sécurité routière. Objectif ainsi apparemment raté…

D’ailleurs des sondages périodiques réalisés par la Délégation à la sécurité routière (DSR) sur l’acceptation des radars par la population montrent que, malgré son efficacité sur la mortalité routière, cette politique suscite une méfiance récurrente.

C’est d’autant plus regrettable pour la Cour des Comptes que ces chiffres « suggèrent à tort que les dépenses de sécurité routière sont très inférieures aux recettes issues du contrôle automatisé. » Or, par exemple, « les documents budgétaires (…) évaluent les dépenses de sécurité routière à 3 770 millions d’euros en 2020. » Soit plus de 4 fois plus que les recettes issues des radars !

Des amendes radars pour désendetter l’État

Si ce n’est pas à la sécurité routière, à quoi servent les amendes radars ?

Elles alimentent quand même principalement le système lui-même pour l’entretenir et le moderniser.

Elles servent ainsi à l’achat de nouveaux radars, à leur installation, leur maintenance, au traitement au Centre de Rennes de tous les flashs afin de les convertir en véritables PV, puis elles sont aussi utilisées pour le fichier national du permis de conduire.

Dans ce contexte, on peut noter que les objectifs fixés ne sont toujours pas remplis. Au 31 décembre 2021, 4 422 radars (avec notamment 204 nouveaux radars tourelles, dont 184 vitesse et 20 franchissement feu rouge) étaient déployés, contre un objectif initial de 4 700 (soit – 6,3 %).

Et ce n’est pas non plus en fin d’année qu’il sera réalisé, puisque l’objectif a été ramené à 4 500 appareils au 31 décembre 2022.

On apprend par ailleurs, via la Cour des Comptes, que le vandalisme reste très important. Mais qu’à la différence de 2018 et 2019, la plupart des appareils sont réparables : 77 % des actes de vandalisme à l’encontre des radars tourelles sont classés en 2021 en vandalisme léger ou vandalisme lourd réparable.

Maintenant les recettes des radars ne servent pas qu’à cela…

Une partie sert aussi au désendettement de l’État : initialement 607 millions d’euros étaient ainsi prévus en 2021 pour cela (ramené à 465 M€), ce qui représente tout de même 37,7 % des dépenses du CAS !

Et ce, alors qu’il ne s’agit là que d’une goutte d’eau pour la dette publique, vu son niveau avoisinant avec les 3 000 milliards d’euros…

Une autre partie est attribuée à l’Agence de Financement des Infrastructures de Transport (AFITF) et au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) – l’ex-FMESPP, pour fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés.

Or, la communication de précisions sur l’usage des crédits par l’AFITF et aussi par les collectivités territoriales qui bénéficient d’une part des amendes routières (hors radars) ne permet pas d’évaluer la part de ces crédits « effectivement alloués à la sécurité routière », rappelle encore une fois la Cour.

Et il semble qu’il n'y ait pas davantage de transparence concernant le devenir des crédits versés au FMIS. Comme le souligne la Cour, la documentation a beau être importante, elle n’en demeure pas moins incomplète !

Des indicateurs pas toujours au top

Est-ce que le système fonctionne de manière optimale ? Ce n’est pas évident…

La moyenne annuelle du taux de disponibilité des radars est de 87 % en 2021, alors que c’est 93 % qui était visé.

Quant au ratio permettant de savoir combien de clichés pris par les radars sont bien transformés en avis de contravention, il est carrément en baisse par rapport à 2020.

Il s’élève à 73,4 % en 2021, contre 75,6 % l’année précédente, pour les seules immatriculations françaises. Il est de 69,8 %, contre 71,7 % pour les immatriculations des pays partenaires.

Depuis janvier 2021, et le Brexit, il est à rappeler qu’il n’est plus possible d’envoyer un PV au propriétaire d’un véhicule immatriculé au Royaume-Uni, lequel compte pourtant le plus grand volume de véhicules flashés par les radars en France.

Le coût unitaire d’un avis de contravention continue en revanche à légèrement s’améliorer. Pour un PV radar, il s’établit à 0,36 euro pour 2021 (0,39 € en 2020). Pour un PVe, il est de 0,17 euro (0,18 € en 2020).

Selon la Cour, ce résultat s’expliquerait « par les progrès de la dématérialisation, matérialisée par une augmentation du nombre d’e-ACO [d’e-PV] envoyés par l’Antai. »

Des amendes de moins en moins bien acceptées

Quant au taux de paiement de ces amendes radars, il semble s’effriter, ce qui tend à expliquer le record des amendes forfaitaires majorées constaté l’an dernier.

Il passe de 72,8 %, sur la période juillet 2019 - juin 2020, à 70,3 % pour juillet 2020 – juin 2021. C’est un léger recul comparé aux amendes routières (ou considérées comme telles).

Pour les amendes PVe liées au périmètre routier, ce taux de paiement s’élève à 53,2 %, et il est de seulement 28,7 % pour les amendes Covid, révèle la Cour !

Cela « traduit un recul de l’acceptation des amendes par les contrevenants, recul d’autant plus marqué lorsque ce sont des amendes qui sortent du périmètre routier », observe-t-elle.

En recommandation principale, la Cour, comme les années précédentes appelle à supprimer le CAS Radars, compte tenu de sa « complexité » et du « manque de lisibilité ».

À la place, elle invite le ministère à présenter dans une annexe budgétaire unique l’ensemble des dépenses de sécurité routière et les recettes issues des amendes de sécurité routière.

La DSR n’y serait pas favorable contrairement à Bercy.

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