Automobilistes: ces nouvelles façons de circuler en ville
Pierre-Olivier Marie , mis à jour
Dans de nombreuses grandes villes, au premier rang desquelles Paris, la rentrée s'accompagne de profondes modifications des conditions de circulation. Pour les automobilistes, les trajets quotidiens vont souvent virer au cauchemar. Solution possible? Se tourner vers ces nouveaux moyens de transports alternatifs qui fleurissent depuis quelques temps. Etat des lieux et tendances.
L’automobile change : toujours indispensable, mais plus écologique, plus connectée et même, bientôt, autonome. Les automobilistes changent eux aussi: plus raisonnables, plus sensibles aux questions liées à l'environnement et à la sécurité routière, mais toujours aussi attachés à la sensation de liberté que leur chère voiture procure : d’après l'Observatoire Cetelem de l'automobile, huit conducteurs sur dix déclarent encore aimer prendre le volant.
C'est ainsi que les ingrédients se combinent progressivement pour favoriser l’essor de nouveaux usages. Aujourd’hui, nos voitures se partagent grâce à des pratiques de covoiturage en plein essor, se louent (même entre particuliers) et, de plus en plus, restent au garage tant il est devenu difficile de circuler dans certaines agglomérations ! Et quand ils doivent utiliser leur voiture en zone urbaine, ainsi que le souligne une étude réalisée par Kantar TNS, 75% des automobilistes recourent à des applications smartphone permettant d’optimiser leur déplacement.
Dans ce contexte mouvant (c’est le cas de dire), Caradisiac s‘intéresse aux moyens de transports alternatifs qui séduisent une frange croissante de la population urbaine. On ne parle pas ici de se mettre au skateboard à 50 ans passés (encore que…) mais, plus raisonnablement, de s’intéresser à ces nouveaux engins qui apparaissent dans les rues des grandes villes : vélo et trottinette électrique, hoverboard et tutti quanti.
La voiture, nouveau transport en commun
Mais pour commencer, revenons sur les pratiques de covoiturage dont le succès ne se dément pas. Le français BlaBlacar, leader du secteur, compte aujourd’hui 45 millions de membres dans 22 pays, dont 12 millions en France. Ceux-ci effectuent quelque 12 millions de trajets chaque trimestre, sur une distance moyenne de 300 km. Les temps changent, écrivions-nous plus haut, sachant que l’on compte dix fois plus de points de départ de covoiturage officiels que de gares. L’automobile remplit clairement une mission dont le train ne peut s’acquitter. Et intéresse à ce titre toutes les catégories de population, notamment les quadra, quinqua et sexagénaires qui sont les catégories progressant le plus vite dans la clientèle BlaBlaCar.
La société va plus loin et a lancé cet été l’offre « VaVacances », qui consiste à proposer une place à 5€ dans chaque voiture, même pour des destinations lointaines. Une façon d'alléger la note pour les voyageurs les moins aisés, alors même que la période estivale représente un pic d’activité pour la société (qui ne perçoit alors aucune commission sur ces places à bas coût). 145 000 places auront été proposées dans le cadre de cette opération, pour un total de 14 millions de kilomètres parcourus! L’automobile, moyen de transport individuel par excellence, se mue donc en transport en commun.
Gagner de l’argent avec sa voiture
Autre possibilité, celle de louer sa propre voiture à d’autres particuliers quand on ne l’utilise pas. Avantage pour le client, des tarifs parfois réduits de moitié par rapport à ce que proposent les loueurs classiques, à quoi s’ajoutent l’avantage de la proximité (on peut choisir un véhicule dans sa ville ou son quartier) et de la souplesse des horaires de départ et de retour. Et pour le loueur, c’est la perspective d’au moins couvrir les frais d’usage de sa voiture (qui augmentent si celle-ci roule davantage, certes), voire de générer un complément de salaire. La plate-forme Drivy, acteur incontournable du secteur, déclare compter 1 million d’utilisateurs et propose 40 000 voitures en location partout en France, en Allemagne, en Espagne, en Autriche et en Belgique. Là encore, il s’agit d’un nouvel usage de l’automobile impensable ou presque il y a une dizaine d’années.
Le vélo à la place de l’auto ?
Electricité aidant, de plus en plus d’automobilistes se tournent vers…le vélo ! Le marché français du cycle se porte bien, puisqu’il a franchi la barre des 3 millions d’unités en 2016, parmi lesquelles 134 000 bicyclettes à assistance électrique. La proportion est certes encore faible, mais ce chiffre traduit une hausse de 33% par rapport à l’année précédente, les vélos électriques profitant à plein de l’aide à l’acquisition mise en place par l’Etat, d’un montant maximal de 200 €.
« Le vélo à assistance électrique, c’est la révolution du business. Je vends toujours autant de vélos classiques, en même temps que je vends toujours plus de vélos électriques », se réjouit Cathal Loughnane, responsable du Peugeot Design Lab . « Ici à Vélizy, où ça monte, on a un nombre croissant de collaborateurs qui viennent au travail avec leur vélo électrique ! » Peugeot Cycles mise ainsi beaucoup sur sa nouveauté prévue à l’automne, un vélo à assistance électrique avec un pliage innovant. « Il devrait sortir aux alentours de 2000 €, mais si l’on additionne les aides nationales et celles mises en place à Paris, on sera autour de 1 400 €. On est dans le marché. »
La première édition du Paris Bike Festival, qui s'est tenu au mois de mai dernier, aura rassemblé plus de 6 000 personnes en trois jours. On relève au passage que l'événement est organisé par AMC Promotion, l'organisme qui est aux commandes du...Mondial de l'automobile, ce qui illustre la complémentarité de plus en plus évidente de nos moyens de transport.
La micromobilité à l’honneur
Outre les vélos, Peugeot s’intéresse beaucoup aux mobilités alternatives telles que la trottinette. En collaboration avec le spécialiste Micro, le constructeur a conçu le e-Kick, un modèle à assistance électrique destiné à favoriser « la mobilité du dernier kilomètre ». Pliante et peu encombrante, celle-ci pèse 8,5 kilos, atteint 25 km/h en pointe, offre jusqu’à 12 km d’autonomie, et est censée prendre place dans le coffre de votre voiture (de préférence une 5008…). Bref, de quoi vous permettre d’arriver à vos rendez-vous sans effort autre que financier, sachant qu'il vous en coûtera 899 €. Pour avoir testé plusieurs jours ce modèle dans les rues parisiennes, votre serviteur peut témoigner de son efficacité et du plaisir ressenti à filer sur les trottoirs (du moins si le bitume est lisse).
Le marché de la trottinette électrique compte de nombreux acteurs proposant des produits aboutis (à ce sujet, notez que l’Afnor travaille à la mise en œuvre d’une norme de qualité), tels qu’on peut notamment les découvrir à la boutique Alternative Bike, située dans le Xème arrondissement de Paris (complétée par une autre à Nantes). Celle-ci a ouvert ses portes il y a six ans, à l’initiative d’Alexis Grosse, persuadé que ces moyens de transports allaient devenir une clé de la mobilité urbaine : « c’est le sens de l’histoire, la ville sera de moins en moins adaptée à l’automobile » plaide-t-il au milieu de ses vélos, trottinettes électriques et autres monoroues.
S’ajoutent à cela les hoverboards (sorte de skateboards à deux roues sur lesquels on se tient en équilibre face à la route), qui font désormais partie du paysage dans les grandes villes. Autant d’engins dont il est impossible de connaître les chiffres de ventes précis, mais en progression constante. Dans une étude publiée récemment, le cabinet américainTechSci estimait ainsi que le marché mondial des seuls Hoverboards, à la fois jouets et moyens de transports, dépasserait les 1,8 milliards de dollars à l’horizon 2021 !
Question d’assurance
Posons au passage une question bassement matérielle : quid des assurances? Les usagers de trottinettes et autres hoverboards ont le droit de circuler sur les trottoirs dans la mesure où ils sont considérés comme des piétons. Il en va de même pour les modèles électriques, pourtant plus rapides.
Interrogée par Caradisiac à ce sujet, la Sécurité routière confirme que les pouvoirs publics travaillent sur la question des engins motorisés : « Les trottinettes électriques (ou engins de déplacement personnel motorisés) devraient prochainement bénéficier d'un statut juridique comme l'a annoncé le gouvernement lors du conseil des ministres du 2 novembre 2016. Plusieurs groupes de travail interministériels, pilotés par le ministère chargé des transports travaillent sur ces nouveaux modes de mobilité. » Mais pour le moment, le flou juridique continue donc de régner. Le différentiel de vitesse avec les piétons pouvant se révéler dangereux, on ne saurait trop conseiller aux adeptes de transports alternatifs la souscription d'une assurance responsabilité civile (généralement comprise dans l'assurance habitation).
Pour terminer, notez qu’à l’automne, sera organisée à Paris la deuxième édition d’Autonomy, événement présenté comme « le sommet international de la mobilité urbaine », lieu de réflexion en même temps que vitrine des dernières nouveautés. On y avait dénombré l’an dernier 13 000 visiteurs et 155 exposants, pour 22 pays représentés. Les « objets roulants mal identifiés » sont bien sûr à l’honneur dans cette manifestation, qui se divise en quatre thématiques : mobilité partagée, véhicules électriques, véhicules autonomes et connectés, ainsi que la « mobilité active » (vélo, marche). Pour Ross Douglas, son fondateur, Autonomy est plus qu’un salon : « c’est avant tout une plateforme collaborative pour que la mobilité urbaine de demain soit à la fois intelligente, responsable , " à la demande " et partagée ".
Sans surprise, Autonomy reçoit le plein soutien de la Mairie de Paris, engagée dans une féroce lutte anti-voitures: « Paris est devenu un terrain extraordinaire pour tester toutes les innovations et services en matière de mobilité urbaine durable, et nous comptons bien poursuivre nos efforts pour faire de notre capitale une ville toujours plus exemplaire en matière de transports propres. », écrit Anne Hidalgo. Pour une fois, même Caradisiac ne pourra que la soutenir dans cette démarche.
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