Ces autos que les constructeurs ont envie d’oublier
Stéphane Schlesinger , mis à jour
Toutes les marques ou presque ont commercialisé des modèles dont elles ne sont pas fières. Voici un petit florilège de ces autos malaimées et parfois bien plus intéressantes que ne le suggère leur réputation. Mais pas toujours…
Citroën Axel
Sacrifiée sur l’autel de la rationalisation par Peugeot, qui lui a préféré une citadine techniquement proche de sa 104, la Visa, l’Axel a pratiquement donné à cette dernière son look. Prévue pour sortir en 1976, la petite Citroën mort-née a finalement vu le jour grâce à la Roumaine. Cette année-là, le gouvernement Ceausescu lance un appel d’offre pour se doter d’une voiture et de l’usine pour la construire, et le double chevron le remporte.
Fin 1976, une société codétenue par ce dernier et l’Etat Roumain est créée, Oltcit pour la produire dès 1978. L’administration communiste étant très lente, la fabrication ne débute qu’en 1981… et l’Oltcit, chère, se vend mal en Europe de l’Est. Le taux de change aidant, PSA se rend compte qu’il peut racheter des exemplaires à très vil prix et la vendre pas cher à l’Ouest, tout en demeurant bénéficiaire. Cela débute en 1984.
Hélas, même si l’Axel, nom occidental de l’Oltcit, fabriquée à Craiova par des ouvriers peu motivés, est remise à niveau à Aulnay, elle demeure d’une qualité insuffisante. Pire, ses moteurs flat-four (ceux de la GSA) consomment beaucoup, elle n’existe qu’en trois portes et le réseau se demande qu’en faire, puisqu’elle concurrence les LNA et Visa… Ainsi, malgré un tarif très bas et de réelles qualités (confort, tenue de route), l’Axel sera un échec. Elle est retirée du catalogue français en 1988. Pour la petite histoire, c'est la dernière Citroën 100 % maison et elle a donné sa suspension arrière à barres de torsion à la 205.
Alfa Romeo Arna
Pour susciter une réaction haineuse chez un alfiste, il y a deux méthodes. Leur parler du rachat d’Alfa par Fiat et leur rappeler qu’avant, leur marque fétiche a produit l’Arna. Pourtant, celle-ci, sur le papier, cumule les avantages. Fruit d’une alliance avec Nissan, désireux de s’implanter en Europe, elle récupère la coque de la Cherry dans laquelle on implante les excellents flat-four italiens.
Le tout permet à Alfa de se doter d’une entrée de gamme moderne, donc susceptible de forts volumes, le tout à moindre coût, sachant que ses finances sont à sec. En pratique, tout va mal. La plateforme japonaise, prévue pour des moteurs transversaux, doit être largement modifiée pour accueillir les boxers, forcément longitudinaux. Ce qui entraine des retards. Pire, le process industriel est loufoque : les éléments de coque arrivent du Japon dans des caisses en bois, puis sont assemblés sur plusieurs sites dans les environs de Pomigliano d’Arco.
De plus, quand l’auto est révélée en 1983, son design est jugé effroyablement banal. Enfin, elle ne peut être vendue que sur les marchés où la Nissan Cherry n'est pas proposée. Mais peu importe, car de toute façon, les alfistes rejettent cette Alfa à l’ADN mixte, pourtant la seule à l’époque à ne pas rouiller ! Elle est vive et tient bien la route, mais rien n’y fait, la clientèle n’en veut pas. C’est un échec total. Si les passionnés avaient su que quelques années plus tard, ils devraient se contenter de Fiat recarrossées…
Audi A2
Une citadine tout en aluminium, c’est une idée débile, et elle a été mûrie chez Audi. La marque aux anneaux s’est faite le chantre de ce matériau, intéressant pour des hauts de gamme, mais difficile à mettre en œuvre. Il requiert une structure spaceframe, inadaptée aux forts volumes de production car chronophage et donc chère. De plus, l’aluminium est complexe à réparer, ce qui ne peut être fait que par des techniciens hautement qualifiés.
Aussi, quand l’Audi A2 sort, en 1999, on a un petit monospace urbain léger (895 kg) et bien fabriqué, mais hors de prix (129 900 F en 75 ch, soit 26 400 € actuels, sans la radio), onéreux à rectifier après un des inévitables petits chocs auxquels il sera très exposé, pas si spacieux et bizarrement dessiné. Comme l’A2 n’est pas très confortable non plus, elle est boudée par la clientèle.
Audi aura beau animer la gamme, notamment en proposant une version 1.2 TDI, censée n’avaler que 3 l/100 km grâce à un Cx incroyablement bas (0.25 !), l’A2 demeure loin de ses objectifs et la production est arrêtée un an avant la date prévue. Ça a été un gouffre financier, évalué à plus d’un milliard d’euros. Audi a réinvesti le segment B avec l’A1, une Polo recarrossée : les financiers d’Ingolstadt ont arrêté de faire des cauchemars !
Mercedes-Benz CLC
Chez Mercedes, on a produit de pures splendeurs, comme la 540K ou la 300 SL Papillon, on a innové tant et plus, on a mis sur le marché les meilleures berlines de luxe du monde, mais on a aussi commis la CLC, en janvier 2008. Il s’agit d’une Classe C Sport Type 203, initialement lancée en 2000, hâtivement replâtrée en Classe C W204 et fabriquée à moindre coût au Brésil.
En gros, quand cette compacte vaguement sportive apparaît, elle est déjà dépassée dynamiquement, affublée d’une planche de bord démodée, et pas très bien finie, en somme, elle est indigne de Mercedes. Les ventes s’effondrent dès 2009, et la production s’arrête fin 2010. La CLC aura eu le mérite d’habituer la clientèle Mercedes à une certaine médiocrité sur le segment des compactes, ouvrant la voie à la Classe A de troisième génération…
Peugeot 1007
Qu’on se le dise, les portes coulissantes, c’est pratique sur un fourgon J7, mais totalement inadapté sur une citadine. Pourquoi ? Parce qu’elles induisent des contraintes techniques qui, à elles seules, non seulement définissent la ligne de la voiture mais en plus entrainent une surcharge pondérale irrattrapable.
Peugeot l’a appris à ses dépens avec l’ineffable 1007 lancée en 2004. Pininfarina n’a rien pu faire pour rendre jolie sa silhouette de boîte à chaussures, les ingénieurs n’ont pas non plus réussi à contenir le poids de cette petite auto 3,73 m de long mais 1 200 kg tout de même ! Du coup, elle est peu performante, gourmande... Et chère !
Pire, le système de coulissement électrique (très lent) des portes mange par trop l’espace dévolu aux passagers, la 1007 se posant en monospace peu logeable. Résultat, un échec commercial mérité, et une production stoppée avant terme.
Renault Fluence ZE
Carlos Ghosn a eu au moins un mérite, il a compris très tôt l’intérêt de la motorisation électrique. Cela a donné la très intéressante Zoe en 2012 et la très contestable Fluence ZE un an auparavant. Pourquoi ce qualificatif péjoratif ? Parce que cette berline familiale Zéro Emission (d’où son appellation) ne peut parcourir au mieux que 160 km entre deux recharges.
Des recharges qu’on ne peut alors effectuer alors que chez soi, tant les bornes publiques brillent alors par leur absence ! Donc, on a une voiture encombrante et à peu près inutilisable, surtout en hiver, où le chauffage fait chuter l’autonomie. Quelques administrations se seraient, paraît-il, dotées de Fluence ZE… On n’aura même pas envie de l’acheter pour la collectionner, comme on le ferait avec un Avantime mais avec un esprit plus pervers encore, tant sa ligne est d’une banalité à pleurer !
Porsche Cayenne Diesel
« Non, il n’y aura pas de Porsche diesel. Pourquoi ? Parce que le diesel s’arrête à 4 500 tr/min, là où commence le plaisir d’une Porsche ». C’est en gros ce que j’ai entendu lors de la conférence de presse, à l’occasion du lancement du Cayenne restylé, le type 957, en 2007. Six mois plus tard, le Cayenne Diesel sortait.
Donc, on nous a sciemment menti chez Porsche tant déjà on avait du mal à assumer de commercialiser un engin de 2,2 tonnes brûlant du gasoil. Le constructeur a vaguement tenté de le justifier en le mettant en parallèle avec un tracteur qu’il a produit dans les années 50… Sous le capot, on ne s'est pas foulé à Zuffenhausen, en récupérant tel quel un V6 TDI Audi.
Pourtant, la clientèle a acheté en nombre appréciable ce SUV mazouté, principalement pour des raisons fiscales. Le Cayenne de deuxième génération (958) a lui aussi carburé au gasoil, puis le constructeur a repris ses esprits…
Lancia Flavia II
J’ai déjà écrit tout le mal que je pense du « badge engineering », et ce n’est pas la Lancia Flavia qui va me faire changer d’avis. Attention, je ne parle pas de la berline des années 60, mais bien de l’inexcusable coupé-cabriolet apparu en 2012.
Il s’agit en réalité d’une Chrysler 200, elle-même une Sebring restylée. Autant dire une américaine techniquement dépassée, mal fabriquée, mal finie et motorisée en dépit du bon sens pour le client européen. En effet, elle se contente d’un 2,4 l atmo poussif, bruyant et gourmand, attelé à une boîte automatique. Pour un constructeur qui a remporté dix fois le championnat du monde des rallyes, ça fait rêver... Ou pas !
Par ailleurs encombrante, lourde et mollement amortie, la Flavia n’est pas non plus une reine du dynamisme. Est-elle belle au moins ? Mais non ! En dehors de quelques concessionnaires dépités, on se demande bien qui a acheté cette erreur roulante, retirée du marché fin 2013…
Naturellement, les voitures qui font honte à leur constructeur ne se limitent pas à celles mentionnées ici, on pourrait aussi citer la Suzuki XC90, la Maserati Biturbo (je me suis fait très mal voir en l’évoquant chez le Trident, à Modène !), la Fiat Panda I diesel (même les Italiens n’en ont pas voulu), la VW Fox (un nid à pannes électriques), la Ford Escort de 1990 (pas fiable, mal suspendue, accro à la rouille), l’Opel Sintra (pas fiable et dangereuse en cas de choc), la Toyota Urban Cruiser (personne n’a compris à qui elle s’adressait et surtout pas la clientèle), la Cadillac Cimarron (une Opel Ascona vendue au prix d’une BMW)…
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération