Ce jour où j’ai essayé une gyroroue…
Vous rappelez-vous la sensation que vous aviez ressentie lors de vos premiers tours de roues à vélo, en voiture ou à moto ? C’était chouette. Difficile, mais chouette. Quant à vos premiers pas, c’est déjà oublié. Est-ce que vous seriez tenté de revenir à la période où vous mettiez maladroitement un pied devant l’autre ? Si oui, voici comment ça risque de se passer...
Un bien frais paradoxe cérébral
Lorsqu’un enfant apprend à marcher, il tâtonne beaucoup car il n’a presque aucune référence concernant l’équilibre. Il fonctionne à l’instinct, avec un avantage sur nous : il peut enregistrer beaucoup plus de données pour la même expérience vécue. Puis il n’a pas la même perception du danger que nous. Voilà 36 étés que je ne suis plus un bambin et mon cerveau a accumulé les bornes d’inactivité.
Je me souviens de ma première rencontre avec ce véhicule d’un nouveau genre. C’était un soir de novembre 2018. L’hiver s’était invité depuis un moment. Je m’étais rendu dans un magasin parisien situé près de l’Institut du Monde Arabe accompagné d’un ancien confrère, spécialiste de ce moyen de transport.
La boutique m’a proposé l’un de ses modèles de démo, une Gotway Tesla, pour m’essayer à la gyroroue sur la place située à proximité. C’est une pratique courante car ce genre d’objet ne s’essaie pas en magasin. Une personne de la boutique vous accompagne pendant votre essai… et mon ancien confrère en était quasiment une.
Premier problème, je dois affronter mon cerveau et le froid. Le premier car je dois monter sur une chose instable en continu : la gyroroue exerce une force opposée à celle que je le lui inflige. Pour tenir il faut avancer et pour avancer, il faut se pencher. Et se pencher, c’est forcer mon corps à agir contre mon cerveau, pour qui le fait de s’incliner de la sorte va forcément engendrer une chute et donc des dégâts. Et les bobos, personne n’aime ça. Le second, le froid, ajoute une crainte supplémentaire à mon bulbe : froid égale douleur amplifiée.
Une courbe de progression lente
Les premiers essais sont des échecs : je n’arrive pas à me livrer totalement à la machine. Une réticence qui empêche le second pied de se poser pleinement pour laisser l’équilibre se créer. On me tient par la main tel un gamin sur son vélo et j’avance avec un sentiment contradictoire, partagé entre le plaisir de me mouvoir de la sorte et l’appréhension d’une violente chute.
Mais Bruno est là. Il m’assiste, il n’en démord pas. À peine ai-je pu réussir à m’arrêter puis redémarrer de manière chancelante, qu’il me demande de slalomer entre différents poteaux à vitesse très basse, vitesse qui demande un effort plus important pour maintenir l’équilibre.
Le sol gris clair semble presque briller sous l’éclairage jaune des lampadaires parisiens. Mon ombre associée à celle de la roue prend des airs de Robotik et mon corps raide comme un tronc d’arbre chauffe sous mon manteau à chaque changement de direction.
Mais la persévérance est la clé de la réussite. Mon cerveau commence à comprendre le fonctionnement de l’engin et à libérer au compte-gouttes mes différents membres. Presque deux heures plus tard, je suis fébrile mais suffisamment enthousiasmé pour me lancer. La Tesla me plaît bien, puis c’est toujours moins cher que la voiture, même si les 1 490 € restent une somme.
Je repars avec mon futur véhicule de déplacement quotidien de 19 kg sous le bras.
Premier jour pour aller travailler. La loi sur les EDMP (engins de déplacements personnels motorisés) qui fixe la vitesse maximum à 25 km/h n’est pas encore passée. Sur la roue, point de compteur, tout se fait à l’oreille et à la sensation : le tilt back redresse la roue progressivement lorsqu’on approche de la vitesse max réglée, afin de stopper l’accélération et une mélodie de bips alerte sur le niveau auquel on se situe : un bip pour 20 km/h, deux bips pour 25 et trois pour le max, 35 km/h.
Je me suis équipé d’un casque, de quoi protéger mes genoux et mes poignets. Mais je ne chute pas. Je reste très attentif, moins rigide que la veille. Les muscles de mes cuisses assurent autant que mes (discrets) abdos pour contrôler la posture. Je commence à prendre mes marques même si mes tibias serrent encore beaucoup trop le carénage de la roue.
28 jours plus tard : le pied !
Les jours passent avec quelques ratés sans gravité lors des départs mais pas de chutes. Désormais, j’entre en phase de plaisir. Je slalome sans souci, m’arrête en quelques mètres à peine, d’ailleurs ce freinage est une qualité indéniable et remarquable de la gyroroue. La sensation de liberté procurée est intense.
Chaque parcours avec est un régal. Le plus gros risque désormais, c’est l’excès de confiance. Mais avec le tilt back et les bips activés, on évite de flirter avec les limites. C’est une sensation qui transforme n’importe quel trajet en bonheur et le sourire permanent sur mon visage me confirme que j’ai fait le bon choix.
Quant à l’aspect Robocop un peu ridicule que je peux avoir dessus, je n’y prête aucune attention tant je me fais plaisir. Facile à transporter et à ranger, offrant de quoi faire 40 km par jour en une seule charge, c’est presque le véhicule moderne parfait. Presque car il ne conviendra pas forcément à tout le monde. La plus grande barrière étant la peur de s’y essayer.
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