Alpine et les futures aventures de la poor lonesome berlinette au Far West
La marque française pourrait bien faire cavalier seul pour s'implanter aux États-Unis. Du moins elle n'en passerait pas par la très importante implantation de Nissan pour débarquer au pays de l'Oncle Sam. Une mauvaise idée ou un pis-aller ? Quelle que soit la réponse, le débarquement des autos bleues risque d'être compliqué.
Le patron du groupe Renault n’arrête pas de le marteler : il compte sur Alpine pour se refaire la dragée. Pour Luca De Meo, la marque de Dieppe doit être le Porsche de demain et il compte vendre 150 000 autos par an d’ici 2030. Une ambition véritable, même s’il ne s’agit que de la moitié du score que l’Allemand réalise actuellement. On comprend aisément les motivations de l’ex patron de Seat qui a lancé Cupra avec la réussite que l’on sait. Une marque qui permet d’ailleurs de renflouer le généraliste espagnol qui n’est pas au mieux de sa forme. Et De Meo, sentant Renault légèrement fiévreux, compte sur Alpine pour remettre les caisses du groupe d’équerre.
Le rêve d'une réussite façon Cupra
Mais Alpine n’est pas Cupra, et ses tarifs ne sont pas tout à fait équivalents. La marque haut de gamme ibérique n’a pas besoin de l’Asie ou de l’Amérique du Nord pour être un succès, elle l’est déjà, avec près de 80 000 autos vendues en 2021, quatre ans seulement après sa création, alors que, au même âge, et la même année, Alpine n’en vendait que 2 650. Une réussite signée De Meo que le Milanais aimerait bien reproduire aujourd’hui pour son nouvel employeur. Et justement, pour percer dans le monde restreint de l’auto sportive, il compte bien sur la Chine, comme tout le monde, mais aussi, sur les États-Unis. Sauf qu’au pays de l’Oncle Sam, il devra faire sans Nissan.
Comme nous l’apprend ce week-end Les Échos, le Japonais ne distribuera pas Alpine. Officiellement, c’est un choix de Renault, qui aurait préféré, à son compère de l’Alliance, le groupe AutoNation qui, dans ses garages américains, vend aussi bien des Ford, des Jaguar, des Jeep, des Mercedes ou des Toyota. C’est même le plus gros distributeur des States avec 250 show rooms. Pas mal. D’autant qu’AutoNation est aussi présent en Chine. Coup double pour Alpine ? Certes. Sauf que Nissan est ultra-présent aux US depuis 1960, son SUV Rogue figure toujours dans les 10 meilleures ventes du pays. Le haut de gamme, le Japonais connaît, grâce à Infiniti, sa filiale premium. Les sportives ? Il connaît aussi, grâce à sa Nissan GTR et feu les 370Z, présentées et développées sur et pour ce marché. Évidemment, le Japonais est un peu à la ramasse ces temps-ci et a perdu 25 % de ses ventes l’an passé.
Du coup, la question se pose : vaut-il mieux être acoquiné avec un ex-partenaire de 20 ans, certes en perte de vitesse, mais dont l’implantation date de 60 ans et qui compte dans ses rangs un effectif de 21 000 personnes pour les seuls États-Unis ? Ou bien est-il préférable de traiter, en tant que client, avec un groupe de distribution dont on sera la énième roue d’un carrosse qui compte une myriade de marques ? La question mérite d’être posée, d’autant que la distribution n’est pas le seul problème des aventures d’Alpine en Amérique.
"Alpaïne ? What's that ?"
Vendre un petit coupé léger de quatre cylindres au pays des muscle cars aux blocs V8 ? Pourquoi pas, à condition de disposer d’un minimum de notoriété. C’est le cas de Lotus dont les US sont le premier marché. En plus, la marque anglaise, contrôlée par les Chinois de Geely, vend en tout et pour tout, et dans le monde entier, moins de 1 800 autos par an. On est très loin du vœu pieu de 150 000 Alpine souhaité par le patron De Meo. Alpine compte donc s’imposer avec une berlinette aux antipodes des goûts locaux et une notoriété proche de zéro. « Alpaïne ? What’s that » Une marque qui a brillé au rallye de Monte Carlo, voyons. « What’s that, rallye ? ». Mais vous savez bien : c’est aussi une marque engagée en Formule 1 « Formioula one ? Ah yes, it’s like Nascar but less funny ». On le voit : le débarquement de la petite marque française qui veut monter n’est pas gagné.
Bien entendu, la berlinette ne sera pas seule à tenter d’envahir l’Amérique pour le compte d’Alpine. Elle devrait rapidement être épaulée par une citadine dérivée de la Renault 5 à venir, deux SUV eux aussi au programme. Toutes ces futures autos seront bien évidemment électriques, comme la remplaçante de la berlinette. Auront-elles plus de chance de s’imposer que l’A110 d’aujourd’hui ? On leur souhaite, même si là encore, le « gros » SUV Alpine pourrait entrer en concurrence directe avec le Lotus Eletre dont il pourrait bien partager nombre d’éléments.
Mais il est un autre concurrent contre lequel Alpine devra se battre, c’est Cupra qui, lui aussi, va s’électrifier à toute vibrure. La marque espagnole souhaite entrer en Bourse et prépare sa cotation au Nasdaq pour le mois de mars. Elle compte en profiter pour se déployer elle aussi en Amérique du Nord, et si elle rencontre le même succès qu’en Europe et en Amérique du Sud, on ne peut que redouter ce débarquement. Ainsi, la création d'hier de Luca De Meo pourrait très vite devenir le principal frein au futur déploiement de sa marque chouchoute d'aujourd’hui. Belle ironie du sort.
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