Alpine A310 (1971 – 1984), la belle GT de Dieppe, dès 25 000 €
Style fort, quatre places et moteur arrière : non, on ne parle pas de la Porsche, mais bien de l’Alpine A310, une vraie GT à la française. Et croyez-le ou non, la sportive dieppoise a de quoi en remontrer au mythe allemand !
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi l'Alpine A310 est-elle collectionnable ?
Emblématique d'une époque où Alpine nourrissait de grandes ambitions, comme concurrencer la Porsche 911, l'A310 se distingue par une esthétique avant-gardiste et un habitacle inhabituellement cossu pour ce constructeur. Jamais celui-ci n'était allé aussi loin dans le typage GT ! Les trains roulants sont, eux aussi, plus raffinés qu'à l'accoutumée chez Alpine. Novatrice, l'A310 se révèle aussi très rare en 4-cylindres, alors que son V6 a fait d'elle la française de série la plus rapide de son époque. Un jalon.
Et si on commençait un article dédié à une Alpine en parlant de Porsche ? En étant un brin provocateur, on pourrait dire que la marque de Zuffenhausen doit son succès à tout sauf la sportivité de ses voitures.
En effet, celles-ci ne sont ni plus performantes ni plus efficaces que les références de leurs catégories, mais si elles n’en sont pas loin. En revanche, et c’est ça que goûte particulièrement la clientèle, elles dominent sur tout ce qui est périphérique : position de conduite, facilité d’usage au quotidien, entretien aisé, qualité de fabrication et fiabilité. Exactement ce qui manque à l’Alpine Berlinette, ultra-efficace, mais malcommode au possible et construite légèrement. Dans tous les sens du terme. D’ailleurs, si estimée soit-elle, elle s'est beaucoup moins vendue que la Porsche 356.
On en est conscient chez Alpine, où on comprend également l’importance de proposer un modèle plus typé GT que son icône roulante pour pouvoir devenir le Porsche français. Dès 1968, on envisage une 2+2 dotée d’un V8 en position arrière. Le talentueux designer Michel Béligond trace une ligne futuriste (qui sera finalisée par Roger Prieur et Yves Legal) mais, malheureusement, il n’y a aucun 8-cylindres de série disponible qui soit adapté à une sportive légère. Et adapter à la série le 3,0 l utilisé par Gordini en course, initialement envisagé, coûte trop cher.
Alors, la marque de Jean Rédélé plonge dans la banque d’organe de Renault, son partenaire depuis toujours. Elle en ressort l’excellent bloc Cléon Alu de la Renault 16 TS, qu’elle va booster. Pour le châssis, Alpine réutilise cette architecture qui lui réussit : une poutre centrale métallique à laquelle se fixent les trains roulants. Ceux-ci, composés à l’avant et à l’arrière de doubles triangles, sont inédits. Le moteur reste dans la poupe, comme dans la Berlinette, ce qui permet de ménager de petites places arrière, et la carrosserie se compose de polyester. La nouvelle Alpine, dénommée A310, est présentée en 1971 au salon de Genève.
Elle surprend par sa ligne ultramoderne, dotée à l’avant de six projecteurs sous verrière (un peu comme sur la Citroën SM) et à l’arrière de feux surélevés, eux aussi sous verrière. On lui trouve même des airs de Lamborghini Miura à cause du dessin de ses jantes et de sa lunette arrière couverte de persiennes. Seulement, il ne s’agit encore que d’un concept, fidèle à 99 % au modèle final. « Ne pas toucher, modèle unique » est-il d’ailleurs écrit sur le stand du salon de Genève !
En réalité, les finances d’Alpine ne vont pas fort, et on n’a pas eu le temps de finaliser l’A310. Il faudra attendre encore plusieurs mois pour la voir arriver sur la route. Entre-temps, les services des mines sont passés par là, et ont retoqué la lunette arrière ainsi que les feux surélevés. C’est donc une auto à la poupe banalisée (et codée VE) qui est proposée à la clientèle.
Le moteur de R16 TS, retravaillé, passe à 1 605 cm3 et 125 ch DIN, comme dans la R12 Gordini, qui cède aussi ses disques de frein avant ventilés à l’Alpine. Les passionnés tiquent devant cette mécanique peu raffinée, mais voilà, l’A310, adopte une boîte 5 et s’en tient à 825 kg, donc affiche de belles performances : 210 km/h en pointe.
Typée GT, la française bénéficie d’un équipement plutôt riche, comprenant une instrumentation complète et même des vitres électriques. C’est toutefois bien le moins, vu le prix très élevé : 42 800 F, soit 48 400 € actuels selon l’Insee. On est près des 44 500 F de la Porsche 911 T (125 ch), autrement réputée, et dotée, elle, d’un fabuleux flat-six. Mais elle ne marche pas plus fort que l’Alpine.
Malheureusement, les ventes de la dieppoise resteront décevantes. En 1973, l’A310 troque ses deux carburateurs double corps contre une injection électronique, la Bosch D-Jetronic utilisée dans la R17 Gordini. La puissance stagne, le poids augmente de 15 kg, mais le fonctionnement devient plus régulier et la consommation baisse sur cette A310 codée VF. Ça ne durera guère : dès 1975, l’A310 récupère tel quel le moteur de la R16 TX, un 1 647 cm3 de 93 ch DIN.
Cette version, dite VG (parfois TX), coûte 10 000 F de moins que l’injection, roule moins vite (190 km/h) mais accélère presque aussi fort grâce à un poids en baisse et des rapports de boîte mieux adaptés. Elle fera en réalité intérim jusqu’à la refonte de l’A310 en septembre 1976, marquant la fin des versions à 4 cylindres, produites à 2 348 unités seulement, dont 1 263 VE, 699 VF et 386 VG.
Car oui, enfin, l’Alpine adopte le bloc tant attendu par les passionnés depuis 1974 : le V6 PRV, en 2,7 l et 150 ch. Prélevé dans la R30 TS, il s’alimente désormais par deux carburateurs, un double corps et un simple corps… Pour l’occasion, la carrosserie est remaniée, adoptant un nouveau museau à 4 projecteurs, un spoiler, voire un béquet arrière surmontant de nouveaux feux. Tandis que les prises d’air flanquant capot disparaissent, les jantes sont inédites, et dans l’habitacle, de nouveaux sièges sont installés. Le tableau de bord est également revu.
Certes, le poids grimpe à 980 kg, mais la V6 passe les 220 km/h. Et à 79 600 F en 1977, elle coûte bien moins cher que la Porsche 911 SC (107 000 F), il est vrai forte de 180 ch mais pas tellement plus rapide. Cette fois, les ventes de la française augmentent. En 1979, elle adopte (enfin !) une boîte 5, celle de la R30 TX. D’autres évolutions interviennent fin 1980 : l’A310, désormais codée VAA reçoit les trains roulants, élargis, de la R5 Turbo, jantes Turbine (montées sur des Michelin TRX) comprises. Le moteur bénéficie d’un allumage électronique, les boucliers se font plus enveloppants, le tableau est modifié…
En 1982, on peut agrémenter son A310 du pack GT, apportant des ailes larges et un aileron arrière, des modifications d’habitacles ont lieu en 1983, année où le pack Boulogne, proposé par le concessionnaire de la ville éponyme des Hauts-de-Seine, porte la cavalerie à 193 ch ! Pour y parvenir, on a installé deux carbus double corps et de nouveaux arbres à cames sur un PRV de 2 849 cm3 (origine Volvo), cependant que les amortisseurs changent. Malheureusement, cette variante, méconnue (et très chère : 227 500 F) ne vendra qu’à 27 unités selon toute vraisemblance. Fin 1984, l’A310 tire sa révérence, remplacée par la V6 GT. 9 276 exemplaires dotés du PRV ont été produits, un chiffre finalement estimable !
Combien ça coûte ?
Les A310 les moins chères sont les premières V6. Pour un exemplaire en bel état (ce qui compte infiniment plus que le kilométrage), comptez 25 000 €. Les V6 de deuxième série s’affichent plutôt à partir de 30 000 €, le pack GT portant le seuil à 40 000 €. Les 4-cylindres débutent à 30 000 € en VG. Comptez 32 000 € pour une VF et 35 000 € pour une VE. Si vous tombez sur un exemplaire très beau (restauré, doté d’un historique riche, ou exceptionnellement préservé), évidemment, il faudra nettement majorer les montants indiqués.
Quelle version choisir ?
En 4-cylindres, la VG représente un excellent compromis par son prix plus abordable, son moteur sans caprice et ses performances relativement préservées. En V6, les versions VAA semblent préférables en raison de leur meilleur comportement routier.
Les versions collector
Toute Alpine A310 en très bel état est un collector. Evidemment, le graal sera une authentique Boulogne, de par son extrême rareté.
Que surveiller ?
Si la carrosserie en polyester ne rouille par définition pas (elle peut, en revanche, se craqueler), le châssis-poutre, lui, se corrode parfois sérieusement, tout comme les éléments de suspension. Heureusement, il suffit de placer l’A310 sur un pont pour inspecter cet élément structurel, tout comme les brancards. On traquera aussi les traces de choc, surtout sur les V6, et on s’attachera à régler au millipoil les trains roulants.
Le moteur 1,6 l est du genre solide (tout comme la boîte), mais son refroidissement est à surveiller de très près. Sinon, claquage du joint de culasse assuré. La carburation de la VE doit se régler finement, alors que celle de la VG se révèle bien plus stable et simple. En revanche, l’injection de la VF dysfonctionne souvent, à tel point que nombre de propriétaires la remplacent par des carburateurs. Pour sa part, l’électricité se révèle facétieuse, et les revêtements de l’habitacle, très fragiles. La lunette arrière et l’encadrement de pare-brise (collé) sont très difficiles à trouver.
Quant à lui, le PRV est réellement indestructible s’il a été bien entretenu. Ce qui passe par une surveillance étroite du circuit de refroidissement, sous-dimensionné. De plus, sa carburation peut se montrer très capricieuse, alors que malgré ses progrès, la finition de l’habitacle demeure très légère. On n’est pas chez Porsche ici, même si l’endurance mécanique de l’A310 V6, boîte comprise, vaut largement celle de la 911 SC.
Sur la route
J’ai pu prendre le volant d’une très jolie A310 VG de 1976. Je suis surpris par l’excellence de la position de conduite, très allongée, le confort des sièges ainsi que l’espace disponible, supérieur à celui d’une 911. J’arrive à me caser à l’arrière ! Bon, ok, pas longtemps… La console centrale en alu et les nombreux cadrans font chic, mais la finition demeure très légère. Au démarrage, le moteur de R16 fait le même bruit (plutôt sympa d’ailleurs) que dans une R16, mais bien vite, on en vient à louer sa souplesse et sa belle vigueur à mi-régime. On ne chassera pas la zone rouge, ce qui n’empêche pas de belles performances. Vraiment, car l’auto est légère.
Quant à la boîte, c’est un régal à manier. Mais là où l’A310 étonne, c’est par son châssis, remarquable. Déjà, la direction séduit par sa rapidité et sa précision. Ensuite, le moteur n’étant pas trop lourd, l’Alpine jouit d’une belle neutralité dynamique, jusqu’à un rythme élevé, le grip mécanique étant par ailleurs important. En revanche, à la limite (éloignée), il faudra se montrer vigilant. De plus, elle freine convenablement, et la suspension filtre très efficacement les aspérités. Il faut se rendre à l’évidence : dynamiquement, l’A310 1.6 est bien meilleure que la 911 !
En somme, on a affaire à une petite GT rapide, sûre, maniable et efficace dans les virolos, confortable et même silencieuse sur autoroute, sa 5e assez longue (33 km/h pour 1 000 tr/min en 5ème) abaissant le niveau sonore. Quant à la consommation, elle demeure raisonnable, les essais d’époque montrant qu’elle reste sous les 10 l/100 km à 130 km/h sur autoroute.
L’alternative youngtimer
Alpine GTA (1985 – 1991)
Dérivant de l’A310, la V6 GT se drape d’une carrosserie ultramoderne. Si on a critiqué son manque d’agressivité, l’aérodynamique, elle, est exceptionnelle. Cx de 0.28, sCx de 0.49 ! De sorte qu’avec le PRV 2 849 cm3 (160 ch), on atteint déjà les 235 km/h. Si l’habitacle offre toujours quatre places et un bel équipement, sa finition demeure risible. Quant au design du tableau de bord, il flirte avec le très laid. Dommage, car la GT a bien progressé dynamiquement face à l’A310, et se montre très confortable.
En 1985, la Turbo étrenne le PRV à manetons décalé, donc tournant enfin rond, et si sa cylindrée chute à 2,5 l, sa puissance bondit à 200 ch. Conséquence, l’Alpine file à 250 km/h et peut tacler une 911 3.2. En 1989, la GT disparaît et le catalyseur fait chuter la puissance de la Turbo à 185 ch. En 1990, elle devient V6 Le Mans en se dotant d’une nouvelle face avant, plus agressive, et d’ailes larges. Pas pour longtemps : en 1991, la GTA est remplacée par son évolution A610. A partir de 18 000 €.
Alpine A310 V6 (1981) : la fiche technique
- Moteur : V6, 2 664 cm3
- Alimentation : deux carburateurs (un double corps et un simple corps)
- Suspension : doubles triangles, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV et AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, propulsion
- Puissance : 150 ch à 6 000 tr/min
- Couple : 204 Nm à 3 500 tr/min
- Poids : 1 020 kg
- Vitesse maxi : 220 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 7,8 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces d'Alpine A310, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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