A Marseille, la peur d'un scandale social sur la ZFE en 2024
A partir du 1er septembre 2024, 31% du parc automobile marseillais doit se retrouver interdit de circuler dans la ZFE de la ville. Sachant que ces interdictions concerneront essentiellement les habitants les plus pauvres, personne n’imagine comment les choses pourraient bien se passer.
Pour l’instant, personne n’ose y aller. Depuis quelques années, l’établissement des ZFE (zones de faibles émissions) dans les grandes villes de France vise à interdire progressivement la circulation des véhicules les plus polluants. Tout a commencé à Paris en 2016 avec l’interdiction des autos les plus anciennes, avant qu’un texte de loi (la LOM de 2019) n’oblige toutes les grandes villes du pays à organiser une ZFE dans leur centre. Certaines municipalités ont alors fixé des objectifs très ambitieux avec l’interdiction des véhicules à vignette Crit’Air 3 (les diesels d’avant 2011 et les essence d’avant 2007) initialement fixée aux années 2023 et même 2022 à Paris. Sauf qu’on parle ici de modèles encore courants dans le parc automobile français actuel, souvent utilisés par les Français dont les revenus ne leur permettent pas d’acheter confortablement une auto moderne. La mesure paraît donc socialement difficilement acceptable et c’est la raison pour laquelle la plupart des grandes villes ont fait récemment machine arrière sur le sujet (y compris Paris qui l’a retardée à la rentrée 2024).
Les chiffres dévoilés par l’étude menée par C-Ways et Harris Interactive pour BNP Paribas Mobility sur la situation à Marseille font même froid dans le dos. Outre les doutes, interrogations et autres désaccords des sondés à l’échelon européen, elle montre que le calendrier de la ZFE prévu dans l’agglomération d’Aix-Marseille Provence aura d’énormes conséquences pour ses habitants. Pour l’instant, les autos les plus anciennes (non classées, Crit’Air 5 et Crit’Air 4) y sont déjà interdites mais sans répression systématique. Dès le 1er septembre 2024, en revanche, l’interdiction doit englober aussi les véhicules à vignette Crit’Air 3. D’après l’étude relayée par BNPP Mobility, pas moins de 317 000 véhicules roulant dans le parc automobile de la ville et ses environs (sur le 1,03 million de voitures particulières recensées en 2023) se retrouveront interdits de circulation à cette date soit 31% du parc total ! Les professionnels sont également concernés : 33 000 utilitaires légers, soit 33% du parc local, se retrouveront intedits de rouler dans la ZFE. Mais aussi 47% des poids lourds !
Les plus pauvres sont les plus touchés
Or, ces 31% de voitures particulières correspondent d’après l’étude à la part des habitants de la région les plus pauvres. Elle montre en effet une corrélation géographique entre la concentration de ces véhicules Crit’Air 3 (et plus anciens) et le revenu moyen des ménages. Elle rappelle aussi que ces ménages les plus pauvres habitent dans les zones les moins bien desservies par les transports en commun, ce qui explique sans doute le kilométrage moyen plus important qu’ils parcourent chaque année. Autant dire qu’il s’agit aussi de la part de la population possédant le moins d’alternatives aux voitures d’occasion pas chères que la ZFE de Marseille interdira de circuler à partir de la rentrée 2024. Le système de location aidée de voiture électrique à moins de 100€ par mois s’adresse évidemment à eux mais il ne prévoit que de petites autos (Renault Twingo E-Tech, Fiat 500) et pas de vrais véhicules familiaux. Surtout, l’état table sur environ 20 000 contrats de location sur l’année 2024 dans tout le pays. Rien à voir donc avec les 317 000 véhicules interdits de circuler rien qu’à Marseille ! Rappelons enfin qu'un système de verbalisation automatique doit être mis en place à l'entrée des ZFE dès 2024 pour obtenir le parfait cocktail d'une bombe sociale.
Les élus ont peur
Mais cette interdiction de circuler des véhicules Crit’Air 3 sera-elle vraiment mise en place à Marseille dès la rentrée prochaine ? Rien n’est moins sûr. Pour l’instant, aucune grande ville de France n’a osé appliquer une telle mesure et même à Paris, elle encore débat. Conscients du risque social d’une telle mesure alors que les habitants sont encore nombreux à ignorer ce qu’est une ZFE, les élus marseillais réfléchissent à des aménagements pour limiter l’impact sur les citoyens les plus pauvres. Par exemple avec un droit d’entrée dans la ZFE à raison d’une fois par semaine au maximum ou des dérogations plus permanentes. D’ici la rentrée 2024, le calendrier de la ZFE de Marseille risque bien d’évoluer à nouveau…
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