Imaginez une route de montagne. Raide comme la justice, sinueuse. Celle, justement, que vous empruntez pour monter à votre station favorite. Farcie d’épingles à cheveux, bordée de magnifiques sapins et de non moins splendides précipices… bref, une spéciale de rallye. Un régal par temps sec. Un peu moins réjouissante sous la pluie. Et aussi jolie qu’inquiétante sous la neige. Maintenant, reportez-vous de 20 ans en arrière. Vous êtes en bas de la pente, blanche de neige tassée, au volant, disons, d’une Porsche 911. Ou de toute autre propulsion un tant soit peu puissante. Solutions d’époque ?
Vous aviez pris des cours avec Vic Elford, Bjorn Waldegaard, Jean-Pierre Nicolas ou Jean-Luc Thérier, vainqueurs du Monte Carlo sur 911. Et vous aviez chaussé des pneus de compétition idoines, généreusement cloutés. Ou vous restiez en bas. Car dans la plupart des cas, pas question de monter des chaînes sur une sportive, faute d’espace dans les joues d’aile. La chose n’était d’ailleurs pas prévue par le constructeur. Oubliez ces contrariétés et prenez, du même coup, la mesure des fabuleux progrès de l’industrie automobile, dont on ne chante pas assez souvent les louanges en ces temps grincheux. Aujourd’hui, au volant de la toute nouvelle Porsche 911 Carrera 4S - 400 chevaux et quatre roues motrices - chaussé de remarquables pneus d’hiver Pirelli Sottozero, au mieux de leur forme dès que la température tombe en deçà des 7 degrés centigrades, à vous les stations. Sans autre forme de procès.
Contact, première et… gaz. L’auto fera le reste, escaladant la montagne avec une aisance de cabri, proprement stupéfiante pour une automobile de cette puissance. La transmission intégrale orchestre en une fraction de seconde la répartition permanente du couple moteur entre les deux essieux. Théoriquement, chacun d’eux est capable de recevoir 100 % du couple moteur, si vous veniez malencontreusement à placer l’autre sur une surface à adhérence nulle. La Carrera 4S (de même, du reste, que la nouvelle Carrera 4, moins puissante de 50 chevaux, ce qui lui en laisse 350), est donc potentiellement, et pour quelques fractions de seconde, la première traction avant Porsche. Potentiellement, car dans la réalité, sur neige tassée, la puissance se répartit entre l’avant et l’arrière dans une balance qui oscille dans les fourchettes 30/70 à 40/60 à l’accélération.
Pour cette prise en main très particulière, à 100 % sur neige et glace et sans un poil de bitume, Porsche avait privatisé une route des Alpes suisses, aux Diablerets, fermée en hiver, et qui a été louée pendant 20 ans par Mercedes pour y mettre au point ses 4x4 et autres transmissions intégrales. En plus d’une succession de montées entre deux murs de neige entrecoupées de slaloms, l’un des tests proposés, sur une aire circulaire aménagée à cet effet en altitude, consistait à essayer de réaliser sur neige la figure connue sous le nom de « donut » que les pilotes victorieux effectuent en fin de course, et qui consiste à enchaîner les tête-à-queue et à faire tourner la voiture autour de ses roues avant.
Eh bien, la Carrera 4S est si bien accrochée au sol avec ses quatre pneus hiver généreusement lamellisés qu’il faut insister lourdement sur l’accélérateur et donner un coup de volant franchement brusque pour obtenir la mise en glissade. Et plus encore pour maintenir la voiture en glissade circulaire régulière. La Carrera 4S fait donc preuve d’une efficacité étonnante, permettant, en toute sécurité et sans disposition particulière au pilotage, de gravir une route de montagne à 70 à 80 km/h de moyenne. La transmission gère la répartition du couple sans le moindre à-coup (qui serait générateur de déséquilibres). L’ESP aidant, un excès d’optimisme en entrée de virage se traduira par un freinage ciblé sur une roue, qui ramène la voiture sur la trajectoire espérée. De même, une pression excessive sur l’accélérateur en sortie de virage sera étouffée par l’ESP, pour empêcher un survirage. Les amateurs de figures de style regretteront d’ailleurs que ce précieux dispositif ne soit pas débrayable. En sus de son « état de nature », fort confortable puisque la suspension pilotée adapte en permanence sa dureté à votre style de conduite, la Carrera 4S dispose, actionnés par deux touches sur la console centrale, de deux modes « Sport » et « Sport Plus » qui rendent la voiture de plus en plus ferme en suspension, et de moins en moins soucieuse d’économiser son carburant. Les régimes moteur s’envolent plus allègrement vers la zone rouge avant de passer au rapport supérieur de la boîte PDK. Sur neige, ces deux possibilités n’ont guère d’intérêt. D’abord parce qu’avec 400 chevaux, ce n’est évidemment jamais la puissance qui fait défaut, et ensuite parce que sur sol glissant, une voiture souple en suspension et douce en transmission s’avère bien plus efficace qu’une auto réglée comme une planche.
Pour permettre de mesurer l’efficacité de ses quatre roues motrices, Porsche avait également mis à disposition des impétrants une 911 à deux roues motrices, pour escalader la montagne sur les mêmes spéciales enneigées. A son volant, la mise en vitesse initiale est bien sûr plus difficile, les deux roues motrices générant plus de patinage au démarrage. Mais la voiture, également chaussée d’excellents pneus M+S de marque Michelin, se montre très rapidement à son affaire après une dizaine de mètres parcourus, y compris entre des mains novices. A cause d’une mise en action moins immédiate, la vitesse moyenne en montée chute d’une dizaine de kilomètres/heure sur notre tronçon test. Mais pas question de rester en bas. Dans l’absolu, entre l’excellente monte pneumatique et les qualités naturelles de la voiture et de ses systèmes d’antipatinage, les 9 927 € que coûte l’adjonction de deux roues motrices ne sont pas indispensables. La 911 monte, simplement, facilement. Les aides électroniques à la tenue de route sont ici davantage sollicitées, mais en faisant preuve de souplesse dans votre conduite, ces petits anges gardiens resteront sagement tapis dans leurs circuits imprimés. Cela dit, en montée, la Carrera 4S est tout simplement impériale, avec sa puissance à revendre et sa sécurisante transmission.
En descente, que vous soyez perché sur deux ou quatre roues motrices, ces atouts vous seront moins secourables : la loi de la pesanteur reste la loi. Aussi performants que soient les nouveaux pneus hiver modernes, ils ont aussi, évidemment, une limite d’adhérence qu’il est d’ailleurs sage de tester de temps en temps d’un vigoureux coup de frein. Ces pneus restent étonnamment directifs en descente, mais au freinage, prudence. L’allégresse extrême avec laquelle la Carrera 4S escalade la montagne vous ferait presque oublier qu’en sens contraire, les effets conjugués de la pente et de son poids pourtant contenu (1 465 kg) vous entraînent et que toute la magnifique puissance du moteur ne vous sera alors d’aucun secours.
Extérieurement, la Porsche 911 à quatre roues motrices (qui existe dorénavant en quatre déclinaisons, Carrera 4 et 4S, en coupé ou en cabriolet) se distingue extérieurement de la 911 à deux roues motrices par un arrière élargi de 44 mm, l’adoption de roues plus larges de 10 mm sur le train arrière, et par un bandeau lumineux spécifique entre les feux arrière. Dans l’habitacle, sur le cadran situé à droite du compte-tours central, dévolu à l’affichage des différentes informations calculées par l’ordinateur de bord, il est possible de faire apparaître un état instantané de la répartition de la puissance entre les essieux, symbolisée par un diagramme à barres. Amusant plus qu’utile. Redisons-le, la caractéristique principale de cette transmission intégrale est son extraordinaire fluidité de fonctionnement. Renseignés sur la vitesse des roues, pilotées par électronique, différentiels et embrayages fonctionnent dans une progressivité parfaite et se font totalement oublier. Le regain de sécurité qu’ils apportent, et peut-être aussi le look avantageux de la machine avec sa poupe élargie, ses roues majorées, expliquent sans doute qu’un gros tiers des clients de la 911 choisissent cette transmission intégrale, en dépit de son surcoût (+9 568 € pour la Carrera par rapport à la Carrera, soit environ plus 11 %, et plus 9 927 € pour une Carrera 4S versus une Carrera S).
Comme ses congénères à deux roues motrices, cette nouvelle 911 présente un niveau de finition tout à fait remarquable : ajustages au millimètre, moquettes précieuses, matériaux nobles et dessins élégants, où que porte l’œil. Le ciel de pavillon, par exemple, est revêtu d’alcantara qui créé à bord une atmosphère presque cosy. Pas facile, pour tout dire, de trouver des défauts à cette extraordinaire machine, si ce n’est, peut-être, pour les enragés, l’impossibilité de débrancher tous ses systèmes électroniques pour jouer au pilote. Mais est-ce vraiment la vocation de l’auto ?
Chaussée de pneus d’hiver, cette nouvelle 911 s’avère parfaitement et facilement utilisable par tous les temps, même sur les terrains les plus délicats, fût-ce par un conducteur inexpérimenté. Son équilibre naturel, la qualité de ses systèmes d’assistance et ses quatre roues motrices la mettent, si l’on ose écrire, à la portée de tous. Ce n’est pas totalement par hasard que nos voisins allemands ont rendu obligatoires les pneus M+S en hiver. Un sujet de méditation à l’occasion de la vague blanche qui recouvre la France ?
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