Il y avait un truc qui me gênait dans la perspective de la voiture autonome, mais je ne savais pas quoi. Bien sûr, le fait de ne plus conduire – après la clope, les rillettes et les blagues sexistes, encore un plaisir promis à disparaître – sans oublier la vague trouille de confier sa peau à un algorithme qui, sait-on jamais, décidera peut être un jour de se jeter sur une pile de pont pour éviter le chien de Madame Michu.

Non, il y avait autre chose, mais je ne savais pas quoi.

The University of Michigan Transportation Research Institute vient de mettre le doigt dessus : le mal des transports.

Ne ricanez pas, répondez plutôt à la question que les deux chercheurs Michael Sivak et Brandon Schoettle ont posé à 3 700 personnes à travers le monde : " que ferez-vous pour vous occuper dans une voiture autonome ?" Plus d'un tiers a répondu "lire, regarder un film ou envoyer des SMS".

Bingo, sortez les sacs à vomi ! Ce sont les trois activités les plus propres – façon d'écrire – à déclencher ou aggraver le mal des transports. Ainsi, des millions de conducteurs vont, en devenant passagers, découvrir cette abomination qui me tord l'estomac et me met le cerveau en gelée depuis un demi-siècle, dès que je n'ai pas le volant et que la route tourne.


La nausée est une vieille et fidèle compagne de route, depuis les 404 et 504 de mon père avec mention spéciale pour la DS qui l'a remplacée. Je n'ai cessé d'y vomir qu'en la conduisant. Je suis malade aussi en bateau, en avion, sur un manège, une balançoire, les montagnes russes (même le petit "train de la mine" qui décoiffe à peine les mamies), dans l'autobus et parfois même dans le train. Et si tout va bien, ce qui arrive parfois, demandez-moi de trouver Mézydon du Gros Bois sur une carte et vous me verrez tourner au verdâtre. J'arrive à me coller une légère nausée au volant en conduisant trop fort sur route de montagne. Une fois même, ça m'a pris au guidon d'une moto d'essai, l'estomac au bord du casque. Elle tenait trop bien la route cette meule. Encore aujourd'hui, les rares fois où je participe à un essai "constructeur" et que la séance s'effectue obligatoirement à deux bonshommes par voiture, je fais parfois ma part de passager couché façon sac de sable sur la banquette arrière. Allongé, je l'ai aussi été bras en croix sur le pont de bien des bateaux, la travée centrale de certains trains mais jamais en avion parce que les hôtesses ne veulent pas enjamber un passager, fût-il subclaquant, et même quand elles portent des pantalons.

C'était un sérieux handicap pour un journaliste automobile… Il y a bien longtemps, sur le circuit de Mortefontaine, magnétophone sur les genoux, j'enregistrais les premières impressions du pilote Patrick Tambay sur la nouvelle Peugeot 605. Il ne mollissait pas sur le cerceau Patrick… Après deux tours à faire chanter les pneus, le bonhomme consent à donner son verdict. "Eh bien, cette voiture est très équilibrée, on sent bien le train arrière aider la voiture en virage (et pas qu'un peu vu qu'on les passait en travers), les freins semblent endurants et sur les gros appuis, la voiture ne se désunit pas (non, elle levait seulement une roue) et…. ça ne va pas mon vieux ? Vous voulez que je ralent…. bbbrrrreuuuup." La cassette est restée lisible, mais ça a été la dernière interview du magnéto… Un cadeau de ma femme…

 

Bon, je n'ai pas pris le clavier pour vous raconter mes histoires de mal au cœur, mais pour vous révéler en première mondiale que j'ai trouvé le remède universel au mal des transports. Pour les enfants en tout cas, car je n'ai jamais essayé avec un adulte. Parce que c'est bien gentil de prédire à l'horizon 2030 une épidémie mondiale de cinétose (ça s'appelle comme ça), il faudrait quand même voir à trouver la solution.

Cette solution, je vous la livre ici, en direct du Caradisiac Transportation Research Institute of Paris, France.

En bientôt 30 ans, j'ai pu observer le phénomène de façon clinique sur trois cobayes, âgés aujourd'hui de 29, 8 et 5 ans. Car ce handicap, je l'ai évidemment transmis, entre autres tares et vilains défauts, à mes enfants. Je passe rapidement sur les remèdes traditionnels : prohiber jus d'orange et laitage, porter un bracelet qui comprime un point précis du poignet, prendre des médicaments en patch, en cachet et en sirop, ça donne bonne conscience, mais ça ne marche pas. Rouler doucement ? Pas mieux. Rouler rapide ? Encore pire.

Le remède, c'est la petite dernière qui l'a trouvé : le seau de plage. Cet ustensile en plastique est au sac à vomi ce que la Bentley est à la chaise à porteur. Je ne plaisante pas : donnez-en un à un enfant dès ses un an, apprenez-lui à s'en servir et il vomira une fois, deux fois et peut être trois fois dedans. Ensuite, il le gardera à portée de main et s'endormira sans plus s'en servir. Sauf bien sûr à la plage…

Pourquoi ? Peut-être que quand on peut vomir comme on se mouche, sans drame, sans engueulade, sans rien salir, on ne vomit plus.

Si dans quinze ans, vous trouvez que le porte-bouteille de votre voiture autonome est étonnamment large, ayez une pensée pour l'auteur de ces lignes...