Le 28 novembre 2011 maxi, certains avertisseurs de radars doivent changer de nom et leur manière d'alerter les cinémomètres de contrôle routier. Certains seulement car tous ne sont pas concernés pour l'instant. Seuls les appareils - ou applications sur téléphone - dits communautaires - ou presque - le sont. Il s'agit d'Avertinoo, Coyote, Eco&Logic, Eklaireur, Inforad, Takara, Wikango, rassemblés au sein de l'Afftac* et seuls signataires du fameux protocole d'accord avec le gouvernement le 28 juillet dernier. Si bien que les Garmin, Mappy, Mio, Navigon et autres TomTom, pour ce qui est des produits premiers prix, soit non "connectés" et ne proposant pas d'informations en temps réel (fournies généralement par Coyote d'ailleurs), pourront continuer à résonner comme avant à l'approche des cabines. Avec la coexistence de ces deux systèmes, la cacophonie qui règne depuis mai et les annonces fracassantes du dernier Comité Interministériel de la Sécurité Routière (CISR) a de quoi perdurer. Jusqu'à quand ? Au moins jusqu'au début de l'année prochaine, selon nos informations.
Une belle hypocrisie
Un décret pour clarifier et uniformiser la situation devrait certes être publié au Journal Officiel avant la fin de l'année, mais les fabricants non signataires du protocole d'accord de juillet bénéficieront d'un délai supplémentaire pour se mettre en conformité. « Nous avons a priori six mois », nous a indiqué un porte-parole de TomTom, après avoir eu une première réunion avec les pouvoirs publics la semaine dernière, mais « rien n'étant complètement fixé, nous devrions savoir vraiment à quoi nous en tenir d'ici un mois ». À terme, tous les avertisseurs de radars – que ce soit leur rôle premier ou pas – seront donc débaptisés pour devenir des « assistants d'aide à la conduite ». Mais, « fondamentalement, cela ne change pas grand-chose », reconnaît notamment Samuel Vals, le directeur général de Mio France, que nous avons interrogé. Dans les nouvelles interfaces, le mot « radar » sera complètement banni. Certains pictogrammes, comme ceux représentant les cabines, aussi. Mais cette évolution se restreint surtout, comme il l'ajoute, à « une question d'intitulé et de distance pour prévenir la présence des radars ».
De fait, si les alertes devront concerner non plus des contrôles de vitesse mais « des zones de danger » ou « des zones à risque », qui ne comporteront pas forcément des radars, ces derniers eux seront placés à tous les coups sur ces zones ! Et les alarmes continueront donc à bien les viser. Voilà pour la belle hypocrisie… Restent quelques vrais changements pour l'utilisateur : les alertes seront multipliées et moins précises qu'avant. Mieux vaut s'y préparer, avec la nouvelle génération d'appareils, ça risque fort de sonner et vibrer sans arrêt (pour tout et n'importe quoi ?) dans les habitacles. En outre, les conducteurs seront invités à lever le pied plus longtemps, soit sur les portions suivantes :
- 4 km sur les autoroutes,
- 2 km sur les routes hors agglomération,
- 300 m en villes.
En dehors des radars, les alertes pourront concerner des travaux, un accident, l'intervention de patrouilleurs sur autoroute, une chaussée glissante ou rétrécie, etc. Mais ces zones de ralentissement n'indiqueront pas précisément l'obstacle dont il est question.
Ces évolutions ne sont sans doute pas les plus gênantes pour les utilisateurs. Rappelons quand même que le CISR souhaitait carrément interdire les engins en question il y a seulement quelques mois ! Les autorités prévoyaient jusqu’à deux ans de prison et 30.000 euros d’amende pour la vente d’appareils signalant la position des radars (fixes et mobiles), et pour les utilisateurs jusqu'à 1.500 € d'amende et le retrait de 6 points de leur permis… Ça ne rigolait pas ! Face à la levée de boucliers que cette mesure a provoquée, on peut comprendre le recul du gouvernement. Mais on pouvait difficilement prévoir un tel basculement ! « Nous sommes en train de faire de ses avertisseurs communautaires un élément fort de notre politique de sécurité routière », s'est ainsi exclamé le plus sérieusement du monde le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, sur BFM TV et RMC Info, le 29 août dernier.
De potentiels mouchards
Fabien Pierlot, le PDG de Coyote, souhaitait « revenir sur l'idée intéressante de la "boîte noire" » 5/07/2011
Message reçu cinq sur cinq par Coyote, le leader de ces avertisseurs communautaires, qui compte plus d'un million d'utilisateurs. Particulièrement réactif, il n'a pas attendu la dernière minute pour se mettre en conformité avec les exigences gouvernementales. Dès le 21 septembre, il a donc annoncé qu'il était prêt. Dans la vidéo publicitaire que l'entreprise a concoctée pour vanter cette évolution, on nous explique que pour lutter contre la mortalité routière, Coyote a ainsi « participé aux discussions avec le gouvernement », pour élaborer de nouveaux « outils d'aide à la conduite », lesquels bénéficieront « d'un label professionnel reconnu par le ministère de l'intérieur ». L'entente est décidément des plus cordiales…
Le plus étrange cependant est la teneur des propos tenus par les représentants de l'Afftac aux députés qui les avaient invités à l'Assemblée nationale le 5 juillet dernier, dans le cadre d'une mission d'information parlementaire, relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation (voir le compte-rendu). Une réunion organisée alors que les mêmes protagonistes étaient en pleine négociation avec le gouvernement pour qu'il revienne sur sa mesure d'interdire les avertisseurs de radars. Qu'ont-ils pu lui promettre pour survivre ? Les députés leur ont justement demandé où ils en étaient de leurs discussions. Et c'est alors que Fabien Pierlot, le PDG de Coyote, qui souhaitait « revenir sur l'idée intéressante de la "boîte noire" », n'a pas hésité à leur expliquer que les boîtiers que ses concurrents et lui commercialisent pouvaient « apporter certaines informations après un accident dans la mesure où ils permettent de savoir depuis combien de temps le conducteur roulait, sa vitesse moyenne, et sa façon de conduire grâce aux accéléromètres », qui équiperont « tous nos produits » dans un an tout au plus. Ajoutant encore que les fabricants de GPS communautaires ne feront « ni plus ni moins que ce que font aujourd'hui les constructeurs automobiles qui commencent à intégrer ces technologies », en particulier ces « accéléromètres qui permettent de détecter tous les mouvements du véhicule. » De quoi faire frémir bon nombre de clients !
Surtout que la collecte et le traitement de ce genre d'informations sont pour l'instant totalement proscrits par la CNIL**. Sollicitée régulièrement depuis 2005 sur les dispositifs de géolocalisation embarqués, la Commission a ainsi déjà été amenée à se prononcer sur l'utilisation de tels mouchards, afin de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles. Ses dernières recommandations datent du 8 avril 2010, dans le cadre de la mise en place des contrats d'assurance dits « pay as you drive » (PAYD), que les assureurs souhaitaient mettre en place afin que l'assuré – promettaient-ils - ne paie qu'en fonction de l'utilisation réelle de son auto, calculée au moyen d'un boîtier GPS installé à bord. Elle rappelait alors que ni les assureurs ni les constructeurs automobiles ne sont autorisés à mettre en œuvre le traitement des informations relatives à la vitesse, « susceptible de permettre la constatation d’éventuels dépassements de limitations de vitesse », soit « des infractions au code de la route »… Les fabricants de GPS communautaires ne devraient pas plus y être autorisés.
Dans cette dernière délibération, la CNIL recommandait également de ne pas multiplier les « items collectés » : « la multiplication des données contrôlées serait en effet de nature à engendrer pour les conducteurs un sentiment de pression et de surveillance constante ». Elle relevait aussi que le traitement des accélérations ou décélérations du véhicule « soulève de difficiles problèmes d’interprétation et de proportionnalité ». Et elle réclamait surtout le consentement et l’information des personnes concernées ! Celles-ci « doivent manifester individuellement et par écrit leur consentement exprès préalablement à la mise en œuvre du traitement par les dispositifs de géolocalisation ». Que les utilisateurs de GPS communautaires se rassurent, si leur équipement devenait de véritable mouchard, ils devraient en être avertis !
De nouveaux GPS forcément labellisés ?
En attendant de savoir réellement où cette nouvelle législation les mènera, les utilisateurs de ces « nouveaux » outils peuvent aussi se demander comment les forces de l'ordre pourront vérifier la conformité de leur matériel (avec les exigences gouvernementales). Les membres de l'Afftac militent pour qu'un label voie le jour et soit obligatoire pour attester de la légalité des GPS mis sur le marché. Mais, selon nos informations, rien ne serait complètement arrêté en haut lieu. Les autres acteurs du marché qui n'ont pas – encore ? – rejoint l'Afftac attendent justement que le gouvernement arrête son choix.
Ce dernier préparerait un cahier des charges pour simplifier ces futurs contrôles. Mais d'autres voies que celle d'opter pour un label obligatoire seraient explorées. Dans ces cas-là, toutefois, l'examen des policiers ou des gendarmes pourrait être plus poussé. Cela sous-entendrait-il qu'ils pourraient être autorisés à manipuler les appareils ? Cela semble peu probable. D'une manière générale, la fouille des véhicules est strictement encadrée juridiquement et ne laisse en effet que peu de marge. Quelques zones d'ombre persistent ainsi… Affaire à suivre !
* Association Française des Fournisseurs et utilisateurs de Technologies d’Aide à la Conduite.
** Commission nationale de l'informatique et des libertés.
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